Le nouveau baccalauréat rentrera en vigueur à la rentrée 2021. Qu’en est-il de l’EPS dans cette réforme, et plus largement dans la réforme du lycée ?
Concrètement, sur le papier, l’EPS ne paraît pas touchée car les horaires n’ont pas connu de modifications. Mais, en réalité, cette réforme du lycée vient considérablement bouleverser notre enseignement. Prenons l’exemple de la question des spécialités : auparavant le mercredi après-midi était consacré aux sports scolaires. Désormais, cette demi-journée sera dédiée aux enseignements de spécialité. Les établissements ont été obligés de réaménager l’emploi du temps des élèves…
Autre problème : la tenue des horaires obligatoires en EPS risque d’être impactée par le passage des épreuves de contrôle continu. En effet, afin de rassembler l’intégralité des élèves, les épreuves pourraient avoir lieu sur les horaires d’EPS. Cette situation s’est déjà produite de manière occasionnelle cette année mais risque de devenir beaucoup plus régulière avec la mise en place de la réforme du lycée qui prévoit une multiplication des épreuves dans le cadre du contrôle continu. Enfin, le grand problème que nous dénonçons : ne pas avoir de spécialité autour de l’éducation physique ou du sport. Toutes les disciplines émargent d’une manière ou d’une autre dans une spécialité, sauf l’EPS. D’autant qu’avec la nouvelle réforme, l’enseignement d’exploration et de complément en EPS n’existera plus ! Il laissera place à une option facultative en EPS où le temps de pratique sera moins élevé. Concrètement, notre enseignement sort plus que perdant de cette réforme du lycée.
Et concernant les nouveaux programmes ?
La réforme du lycée a aussi logiquement induit une réécriture des programmes. L’orientation prise ne nous convient absolument pas : elle a consisté à rendre le texte beaucoup plus général qu’il ne l’était auparavant. Les enseignants vont pouvoir choisir le contenu de leurs enseignements. Pour nous, cette manière de procéder introduit une rupture totale dans le cadre national de la formation. Par ailleurs, le référentiel de notation au bac a été modifié : en EPS, les élèves sont notés sur trois cycles de sports différents. Avant les enseignants disposaient d’un référentiel national qui fixait les conditions d’évaluations par activités. Cela permettait de donner un cadre national aux épreuves et d’éviter les contestations des élèves. Avec la réforme du lycée, le référentiel par activités sera supprimé pour laisser place à un référentiel global qui couvrira plusieurs sports. Or, il me parait compliqué de faire un référentiel précis sur des sports complètement différents. Un référentiel d’athlétisme ne peut pas être similaire à un référentiel sur la natation. Ainsi, les profs vont devoir faire eux-mêmes leur propre référentiel : c’est une perte du caractère national de notre discipline !
Le volume horaire de l’EPS correspond à 2 heures par semaine. Est-ce selon vous suffisant pour un élève ?
Non ! D’autant que les deux heures par semaine ne correspondent pas réellement à deux heures de pratique sportive. Il faut déduire le moment où les élèves se changent et surtout les déplacements vers les installations sportives comme les gymnases, les piscines, etc. Le temps moyen de pratique est donc bien inférieur aux deux heures par semaine ! Aujourd’hui, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) recommande 1 heure de pratique sportive par jour. Nous sommes loin du compte… En lycée, le minimum serait de doubler le volume horaire EPS : deux séquences de 2 heures dans la semaine seraient plus adaptées.
Parlez-nous de cette option facultative en EPS…
Des options facultatives viendront compléter l’offre de formation comme les arts, les langues ou encore l’EPS. Les temps d’enseignement seraient de 3h supplémentaires dans l’emploi du temps des élèves. En EPS, tous les élèves volontaires pourront s’y inscrire. Toutefois, on y trouve majoritairement des lycéens souhaitant s’orienter vers des études sportives telles que STAPS. Cette option apporte des pratiques plus approfondies avec des temps sportifs plus importants sur la semaine.
Ce nouveau programme marque une rupture avec celui de l’option facultative actuelle : jusqu’à présent, deux APSA (activités physiques, sportives et artistiques) étaient proposées aux élèves en lycée. Dorénavant, il y en aura entre trois et six. Conséquences : cela va diminuer le temps de pratique par activités et le côté ‘approfondissement’ de la discipline risque de disparaître. Autre bémol : les contenus autour de la pratique. Le projet semble vouloir palier l’absence d’un enseignement de spécialité et a donc rendu le programme de l’option facultative beaucoup plus lourd et complexe. En l’état, la mise en place de ce programme semble impossible. De plus, au baccalauréat, cette option ne représente quasiment rien : on s’est rendu compte que l’option EPS ne comptait que 0.6% sur la moyenne totale du bac ! Un coefficient complètement ridicule. Avec l’effet conjugué de ce programme et de la réforme, nous risquons de perdre une partie des élèves optionnaires, alors qu’une réelle motivation existe.
Pensez-vous que l’EPS en lycée prépare efficacement les étudiants qui souhaiteraient se lancer dans des études supérieures sportives telle que la filière STAPS ?
L’EPS obligatoire ne prépare pas du tout aux filières sportives. L’option facultative doit, quant à elle, servir aux futurs étudiants qui souhaitent s’orienter vers des études en lien avec le sport. Il faut néanmoins savoir que les attendus en STAPS ne prennent pas en compte l’option facultative en EPS. Actuellement, d’un point de vue institutionnel, l’option facultative en EPS n’apporte rien… L’idéal aurait été d’ouvrir un enseignement de spécialité EPS couplé à une discipline scientifique ou littéraire. Ce couplage aurait été intéressant pour une poursuite d’études en STAPS. De gros progrès dans notre discipline sont encore à faire…
Je pense que d’un point de vue plus large nous devrions revoir l’Eps dans l’intégralité de la scolarité. Je suis ETAPS et je pense que la façon d’enseigner l »EPS est importante dès l’école primaire. Or, c’est loin d’être uniforme dans toute la France, et penser ques tous les professeurs des écoles soient capables d’enseigner l’EPS prouve le peu d’intérêt que l’EN porte à l’EPS.
On en est toujours au même point : l’EPS introuvable ! Thème fameux des années 60 et 70. Pire, on a voulu en faire une « discipline comme les autres », alors qu’elle est en soi, discipline, askésis dans l’askétèria (Platon). De fait on l’a dénaturée, coupée de ses racines physiques et passionnelles pour en faire une parodie des sports.