élève primaire
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Depuis cinq semaines, le confinement est de mise. Pour permettre aux personnels indispensables à la gestion de la crise sanitaire de travailler, certains établissements scolaires accueillent leurs enfants. Les équipes éducatives et les employés municipaux ont été sollicités pour assurer ce service et beaucoup de volontaires ont répondu présents. « C’était naturel pour moi. C’est une manière d’apporter ma pierre à l’édifice. Les soignants sont en première ligne, c’est le moins que l’on puisse faire. Et puis, d’un point de vue personnel, ça me permet de sortir de chez moi, de faire autre chose car c’est dur d’être confiné », avoue ainsi Christopher, membre d’une brigade de remplacement d’enseignants en Rep+ à Clermont-Ferrand. Un avis qui semble partagé par ses confrères aux quatre coins de France. « J’ai annoncé à mes proches mon choix sans me justifier et personne n’a été contre. Nous serons bien contents d’être soignés si jamais nous en avons besoin. La solidarité doit être une force dans ces moments particuliers. Les enfants de soignants doivent pouvoir compter sur nous. Ils ne voient pas beaucoup leurs parents en ce moment. On se doit de leur faire passer de bons moments », ajoute pour sa part Lucie, professeure des écoles dans la Vienne. 

Plus de profs que d’élèves

Grâce à cette belle mobilisation, certains professeurs volontaires n’ont eu à assurer qu’une ou deux journées d’accueil depuis la mi-mars. D’autres viennent de manière plus régulière : une demi-journée, un jour ou plusieurs jours par semaine. Côté élèves, les effectifs sont très restreints. Le gouvernement avait ainsi expliqué que l’accueil concernerait les élèves de la maternelle au collège (même si dans les faits certains lycéens viennent aussi) et que les groupes ne dépasseraient pas 8 à 10 élèves par classe. Parmi les établissements sondés, la plupart accueillent entre 2 et 8 élèves selon les jours. Un effectif qui varie notamment en fonction de l’emploi du temps des parents. « Sur notre école qui comprend 16 classes, nous avions recensé une cinquantaine d’enfants qui pouvaient prétendre à cet accueil. Mais la plupart des familles, bien conscientes du danger, se sont organisées elles-mêmes quand elles le pouvaient. Au final, nous n’avons que deux élèves », souligne ainsi Isabelle, professeur en maternelle et formatrice pour enseignants en Seine-et-Marne. Le personnel de direction est davantage présent sur place pour guider les professeurs qui ne connaissent pas toujours les lieux, planifier les choses et aider en cas de besoin.

Une organisation au pied levé

Dès l’annonce du Président de la République le jeudi 12 mars au soir, il a fallu trouver des solutions : recenser les professionnels volontaires, contacter les familles, établir un planning de rotation entre les professeurs, créer des protocoles d’hygiène, gérer le périscolaire, dédier une salle à l’accueil des enfants, faire remplir des fiches sanitaires, mettre en place des PAI (projet d’accueil individualisé)… « On était tous un peu perdus mais tout le monde a été réactif. Des connaissances nous ont même confectionné des masques en attendant d’en avoir par l’Education nationale la semaine dernière. J’ai transmis aux parents les noms des enseignants, le planning, les protocoles mis en place… Et on leur envoie dans la journée des photos de leurs enfants. Ils sont rassurés et reconnaissants », déclare Laëtitia, directrice d’école maternelle dans le Puy de Dôme.
L’organisation des services de garderie et de cantine varie aussi selon les municipalités. Ainsi, certaines écoles assurent la garderie matin et soir et fournissent des plateaux repas aux élèves en même temps qu’aux personnes bénéficiant du portage de repas à domicile. Tandis que dans d’autres communes, les enfants amènent leur repas.
Les élèves n’ont pas toujours les mêmes enseignants face à eux. Pour assurer une certaine continuité, certains professeurs ont créé un groupe sur WhatsApp pour échanger entre eux sur ce qui était fait avec les élèves d’une journée sur l’autre.

Mesures de protection

Les gants, masques et gels hydroalcooliques n’ont pas pu être fournis à toutes les équipes éducatives. Certaines ont du attendre trois ou quatre semaines pour en avoir tandis que d’autres en ont eu très rapidement. En attendant, les gestes barrières étaient appliqués autant que possible. « En classe, on respecte au mieux les règles de distanciation mais on ne peut pas enseigner à 2 m de distance non plus. Pendant la récré, on autorise les enfants à jouer au ballon mais seulement au pied, pas à la main. Ils le comprennent bien », assure Christopher. Dans l’équipe, pourtant rapidement munie de protections, il y a eu un cas d’alerte sur un personnel de l’accueil  municipal il y a 15 jours « mais ça a été très bien géré et ça n’a freiné personne », ajoute le professeur.
Dans l’école d’Isabelle, en Seine et Marne, des gants et du gel sont arrivés la deuxième semaine et faute de masques dans ce cluster, elle a pris un masque de ponçage chez elle. Mais la peur de ramener le virus à son domicile reste présente.  « Quand je rentre chez moi, je mets directement mes vêtements à la machine à laver et je file à la douche. Mes enfants n’ont pas peur mais ils ont compris qu’il y avait un risque. Après, on s’expose aussi quand on va faire ses courses », relativise Isabelle. 

Travail et activités ludiques

La journée des élèves est rythmée par le travail scolaire envoyé par leurs enseignants habituels et les professeurs présents sur place répondent à leurs questions et les aident. Ils proposent aussi des activités complémentaires pour rythmer la journée. Les après-midis, plus ludiques, donnent lieu à des ateliers jardinage, des réalisations de fresques… « On maintient une bulle en dehors des problèmes. C’est une vraie respiration pour ces enfants. Ce qui leur manque, ce sont les copains bien sûr. Ca a un côté surréaliste. Personne n’aurait imaginé ça il y a six mois », reconnaît Isabelle. « Les enfants sont formidables. Ils s’adaptent à toutes les situations. C’est une force », ajoute Lucie. Chez les plus grands, l’inquiétude ne se fait pas sentir non plus selon Anne, professeure d’allemand en collège à Paris. « Ces demi-journées d’accueil sont aussi l’occasion pour eux de discuter, même si je n’ai pas senti les élèves angoissés.  Ca réduit en tout cas le temps où ils sont seuls à la maison et ça les met dans un contexte plus propice pour travailler », déclare-t-elle.

L’appréhension de la reprise

L’annonce du président Emmanuel Macron quant à un possible retour en classe pour certains dès le 11 mai a en revanche surpris les enseignants et suscité de nombreuses questions. « Ma réaction a été double. J’ai d’abord été écœurée en me disant que c’était trop dangereux. Puis, j’ai pensé aux familles pour qui c’est très dur d’enseigner pendant le confinement, qui ont besoin d’une date pour voir le bout du tunnel et ne pas craquer. Mais comme nous n’avons pas de médecine du travail, l’Etat ne connaît pas notre état de santé. Certains collègues très sensibles ne pourront pas venir faire cours et ceux qui doivent partir à la retraite à la fin de l’année scolaire ne prendront sans doute pas ce risque non plus. On risque de manquer de personnel… », glisse Isabelle. De son côté, Anne est également sceptique et ne croit guère à cette reprise. « On ne va pas d’un coup avoir 300 élèves dans la cour de récréation. C’est trop tôt. Je ne me vois pas côtoyer tout ce monde. On dit que ça sera progressif mais ça veut dire quoi ? Il y aura les 4ème et 3ème mais pas les 6ème et 5ème ? Plusieurs pays ont déjà reporté leur rentrée à septembre et tout le monde préconise un déconfinement en douceur. Cette décision a n’a pas de sens ». Les conditions de la reprise inquiètent aussi dans les écoles maternelles où le respect des gestes barrières par les petits sera dur à assurer…