Aujourd’hui, lundi 18 mai, les élèves de 6ème et de 5ème retournent en classe dans les zones vertes. « Je n’ai pas peur de reprendre parce que tout semble bien organisé dans mon établissement. Notre chef ne prendra aucun risque. Par contre, cela demande un tel bouleversement pour les élèves, les professeurs et les parents que je ne comprends pas l’intérêt de tout cela pour trois semaines de classe et à peine 55% des effectifs », commente Marie, professeur de français dans un collège en Nouvelle Aquitaine. Ses élèves auront, en effet, quatre jours de classe toutes les deux semaines en alternance avec la continuité pédagogique à distance.
Un climat anxiogène
Avec la complexité du protocole sanitaire, elle redoute que les élèves perdent le goût de l’école. « Ils vont devoir se déplacer en file indienne car les couloirs sont étroits, rester six heures assis à la même table, y manger. Ils seront surveillés lors du lavage des mains aux toilettes. Ils ne seront plus avec leurs camarades de classe habituels mais rassemblés en groupes pour remplir au plus juste les classes. Ils n’auront pas forcément leurs professeurs habituels. On met en place un climat anxiogène pour peu d’intérêt : les parents ne seront pas en mesure de reprendre le travail facilement avec de tels emplois du temps. Et les enfants comme les professeurs vont devoir jongler entre le travail en classe et le numérique », explique-t-elle. Si sur le papier, les professeurs qui assurent les cours en présentiel sont dispensés de ceux à distance, dans la pratique c’est différent. Mais le volume horaire sur place étant réduit, Marie s’en arrangera.
Des contraintes plus lourdes
Sabrina, professeur d’anglais en collège et lycée à Marseille, prévoit de faire les mêmes cours pour les élèves qui seront présents et ceux à distance pour éviter des injustices. Elle va reprendre le chemin de l’établissement scolaire deux après-midis dans la semaine pour sa classe de 5ème. Pour le lycée, cela se décidera d’ici au 2 juin. Elle non plus n’a pas peur de recommencer à enseigner en face à face. « Il faut bien se déconfiner un jour. C’est normal qu’on soit dans les premiers à reprendre pour permettre aux parents de retourner au travail. Et puis, il se peut que j’aie déjà eu le covid-19. Ce qui m’embête davantage c’est de faire cours avec un masque. Ca va être très compliqué. Ca donne chaud, on respire moins bien. Finalement, assurer le protocole sanitaire risque d’être plus fatigant que de faire cours », confie-t-elle. Ses collègues de sciences eux déplorent la fermeture de leurs labos. Ils devront faire des cours magistraux à la place des travaux pratiques. « Il n’y aura aucune manipulation possible. Ce sera des cours en mode dégradé », ajoute Sabrina. La professeure d’anglais axera ses cours sur l’oral en classe pour compenser cet aspect un peu délaissé pendant le confinement. « Après deux mois passés dans le cocon familial, on va discuter pour savoir comment ça s’est passé pour chacun. Les élèves vont enfin pouvoir en parler. Je suis un peu inquiète : j’espère trouver les mots car ça nous demande aussi une certaine approche psychologique », ajoute la professeure qui se dit malgré tout contente de retrouver un semblant de lien social.
La crainte d’une deuxième vague
Jean, professeur d’histoire-géographie dans un collège de la région Auvergne-Rhône-Alpes, a contracté le Covid-19 la semaine précédant le confinement. Après presque deux mois de symptômes, il est assez partagé sur son retour en classe. « A la fois, je suis serein car je me sens beaucoup mieux, le moral est là. Et comme l’immunité au virus fonctionnerait, je ne me sens pas en danger. Mais je suis également inquiet de la survenue d’une deuxième vague épidémique. Cette reprise en établissement est dans ce contexte un risque. Fallait-il le prendre maintenant ou en septembre ? », s’interroge Jean. Son collège rouvre lundi 18 mai et accueillera un peu moins de 100 élèves sur 550 en temps normal. S’il a pu constater que son chef d’établissement avait à cœur de respecter la stricte application du protocole, il note aussi que les masques « grand public » en tissu n’étaient toujours pas arrivés lors de la réunion de pré-rentrée. Il se demande s’ils le seront pour le jour J. « Je ne suis pas rassuré non plus par la distanciation physique prévue dans le protocole. Mettre 15 élèves non masqués pour la plupart et un enseignant dans une salle d’à peine plus de 50 m², c’est trop. On est certes à 1 m les uns des autres mais tout mouvement est interdit. Je suis très dubitatif d’autant plus que d’autres pays ont établi une distance plus grande, sûrement pas sans raison », commente Jean. Lui aussi s’interroge sur la capacité des élèves et des enseignants à respecter ce protocole.
De la garderie pédagogique
Dans son collège, la continuité pédagogique fonctionne assez bien. Les décrocheurs, la plupart du temps sont ceux qui décrochaient déjà en classe. Et selon le professeur d’histoire-géographie, contrairement aux annonces du ministre, ce ne sont pas eux qui reviendront en classe le 18 mai. Le contenu des cours alimente aussi les craintes de Jean. « Avec le retour en présentiel, il nous a été demandé d’oublier toute ambition de continuer nos cours disciplinaires habituels car les groupes formés ne respecteront ni les niveaux ni les classes existantes. Nous continuerons donc le « distanciel » (c’est la volonté des enseignants) afin que tous les élèves reçoivent un enseignement. Et nous ferons la « garderie » pédagogique en classe, sans que cela soit péjoratif, mais occuper chaque groupe 26 heures par semaine avec des activités pédagogiques pertinentes ne sera pas une sinécure », affirme le professeur.
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