Après plus de deux mois de confinement, les élèves retrouvent progressivement les bancs d’écoles. Mais cette période, marquée par le Covid-19 et le confinement, a pu engendrer du stress chez eux. « On a constaté dans d’autres pays touchés par le Sras, il y a quelques années, que le confinement influait sur le stress chez l’enfant et l’adulte. Les causes sont à peu près les mêmes pour petits et grands. Il y a d’abord un changement brutal d’emploi du temps, une perte de repères. Et puis, il y a aussi une grande incertitude entre « la petite grippe » dont on a parlé au début et le fait qu’on soit « en guerre » comme l’a dit le Président de la République. Personne n’était préparé », explique le Dr Alexandre Hubert, praticien hospitalier en pédopsychiatrie dans le service du Pr Delorme à l’hôpital Robert Debré.
Par ailleurs, toutes les familles, et donc les enfants, n’ont pas vécu cette période de la même manière. Certains voyaient leurs parents partir travailler, aller soigner des patients, être potentiellement exposés au danger. La plupart avaient leurs parents à domicile mais ceux-ci devaient jongler entre activité professionnelle, école à la maison et gestion de la famille. Certains ont vécu dans des petits appartements, 24h sur 24 sans sortir, avec leur famille plus ou moins nombreuse. Sans parler de la peur de la maladie, des actualités, du chômage… « Plusieurs études ont montré que le confinement avait des répercussions sur au moins 20 à 30% des enfants. On a observé chez eux une différence de comportement avant et après le confinement », ajoute le Dr Hubert.
Des fiches pratiques pour épauler
Les enseignants et professionnels de l’éducation peuvent constater eux aussi ces détresses psychologiques que ce soit en retrouvant les élèves à l’école ou même lors de leurs échanges en visioconférence, de façon moins évidente. Plusieurs psychologues et pédopsychiatres de l’hôpital Robert Debré, dont le Dr Hubert, ont publié une fiche pratique « Repérage des symptômes de stress ou de détresse psychologique chez l’enfant au sortir du confinement » sur le site pedopsydebre.org. Ce site créé au moment du confinement en propose beaucoup d’autres. Certaines ont été lues plus de 10 000 fois prouvant qu’elles répondaient à une vraie demande, au-delà des patients du service. Le Dr Hubert souligne l’importance de la prévention pour agir vite et ainsi trouver plus facilement des solutions.
Observer les changements de comportement
« En classe, les enseignants retrouvent généralement des élèves qu’ils connaissent très bien et sinon ils peuvent faire confiance à leur expérience », glisse le spécialiste. Ils peuvent donc constater des changements dans leur comportement. Cela peut se traduire par : de la tristesse, une plus grande sensibilité, un changement d’émotion rapide, un isolement, un mutisme, une séparation plus difficile avec les parents lors de l’arrivée en classe, une régression dans les acquis, une baisse d’autonomie, une certaine agressivité envers les autres ou soi-même…
Lors des apprentissages, les préoccupations peuvent ressortir de manière répétitive. L’enfant peut être plus agité, moins concentré. Son intérêt pour les cours et la vie de la classe diminue, il semble perdu dans ses pensées.
Les élèves peuvent aussi s’opposer davantage aux règles de l’école et à celles liées au covid-19. A l’inverse, ils peuvent aussi s’y soumettre avec beaucoup d’application de peur de mal faire.
La fiche pratique de pedopsydebre.org incite aussi à être attentif au discours des enfants. Chez les plus petits, des difficultés d’élocution plus importantes peuvent apparaître. Les élèves de primaire, eux, ont parfois tendance à répéter les mêmes questions sur des points qui les inquiètent. Les plus âgés masqueront parfois leur anxiété ou la nieront. Elle pourra toutefois être perçue s’ils parviennent difficilement à se concentrer sur une conversation.
L’expression du mal être passe aussi par le corps. Les enfants peuvent rencontrer des troubles du sommeil et de l’alimentation. Ils peuvent aussi exagérer les gestes barrières et se tenir très éloignés des autres ou se laver encore plus souvent et longtemps les mains. Le fait d’aller plus fréquemment aux toilettes, d’avoir mal au ventre, à la tête, d’avoir des tics peut aussi indiquer cette anxiété.
Libérer la parole et les émotions
La plupart des élèves présenteront certains de ces symptômes, surtout les premiers jours. Les experts de l’hôpital Debré suggèrent donc de surveiller trois critères : leur intensité/fréquence, leur évolution (diminuent-ils ou augmentent-ils au fil des jours ?), et enfin leur retentissement au quotidien.
Pour aider les élèves, le Dr Alexandre Hubert conseille d’engager la discussion avec eux et de répondre à leurs questions. « Les enfants ont parfois entendu des informations à la télé et toutes les familles n’en ont pas discuté. On peut faire un tour de table dans sa classe en disant par exemple ce qu’on a soi-même ressenti. Et on propose à chacun de dire comment ça s’est passé pour lui. On peut aussi laisser les enfants s’exprimer par l’écrit en racontant cette période ou en la dessinant. L’important c’est que ce soit fait dans un cadre rassurant et bienveillant », ajoute le pédopsychiatre.
Avec des élèves présentant des symptômes légers, des activités régulières de relaxation et des routines permettent d’apaiser le stress. En cas de symptômes plus marqués, on en parle avec les parents, sa hiérarchie, le psychologue scolaire… Ce travail collectif permettra alors d’aider l’enfant du mieux possible.
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