Comment, chacun dans votre discipline, avez-vous intégré la réalité virtuelle à vos pratiques pédagogiques ?
Gaëlle : j’ai commencé à intégrer la réalité virtuelle en espagnol il y a 2 ou 3 ans. Mes élèves de quatrième devaient créer une visite du collège en réalité virtuelle, avec commentaires audio en espagnol, pour leurs correspondants. J’avais investi pour cela dans une caméra 360°, et demandé aux élèves de prendre des photos des différentes parties de l’établissement. Grâce au logiciel Storyspheres, nous avions fait un montage avec les photos et avions enregistré les commentaires audio en MP3.
Ensuite je me suis lancé dans l’exploration de lieux via des parcours virtuels sur Google Expeditions, à travers la ville de Mexico, par exemple. J’envoyais aux élèves le QR code correspondant à la visite pour qu’ils le scannent avec leurs téléphones portables. Puis, grâce à un Cardboard (un casque en carton dans lequel on glisse le téléphone portable), ils pouvaient accéder à la visite virtuelle de la ville. Pour ne pas qu’ils se dispersent, je cadrais l’activité avec un quiz : les élèves devaient visiter certains monuments spécifiques pour répondre aux questions.
Jordi : j’utilise également les parcours virtuels de Google Expeditions, mais surtout un casque Oculus. C’est un casque autonome, avec une application qui nous permet de nous promener, en réalité virtuelle, presque partout où nous le souhaitons, grâce à la banque de photos de Google Street View (exemple en vidéo du fonctionnement du casque). Il est ainsi possible d’amener les élèves à New York, et de les faire marcher dans les moindres petites ruelles de la ville !
Gregory : j’ai de mon côté proposé à mes élèves la visite d’un site géologique qui s’étend sur plusieurs kilomètres. C’était en période de confinement, donc cela a permis d’organiser une « sortie scolaire » avec mes élèves tout en restant à la maison. Cela a été possible grâce à des prises de vue du site en 360°, que j’avais déjà. Je les ai ensuite enrichies avec du contenu supplémentaire et notamment des modèles en trois dimensions réalisés par photogrammétrie. Dans ce décor, les élèves devaient reconstituer une histoire à partir d’indices relevés sur le terrain, un peu comme dans une enquête policière.
Grâce à la réalité virtuelle, il est aussi possible de « remonter dans le temps », en recréant un décor grâce à des photos plus ou moins anciennes d’un lieu. C’est notamment intéressant en géologie, pour étudier les aménagements du territoire : on peut suivre l’évolution d’un site naturel, par exemple, ou constater l’érosion sur les côtes.
Jordi : nous sommes malheureusement confrontés à l’obsolescence de certains outils. Google Expeditions, par exemple, s’arrêtera de fonctionner au mois de juin 2021. C’est vraiment dommage, car nous avons créé beaucoup d’activités autour de ce logiciel, qui ne pourront bientôt plus être exploitées.
Qu’est-ce qui vous a donné envie d’intégrer la réalité virtuelle à vos pratiques pédagogiques ?
Gaëlle : C’était pour moi une autre façon d’aborder les langues vivantes, avec du contenu attractif et immersif. Lorsque je visite, virtuellement, avec mes élèves la ville de Mexico, je ne pourrais pas la leur rendre accessible de manière plus réelle, surtout en ce moment ! Il y a d’ailleurs eu un impact sur la motivation des élèves, la mémorisation également.
Jordi : j’ai toujours trouvé que la géographie était trop abstraite à l’école. La réalité virtuelle la rend plus concrète. De même en histoire : lorsqu’on visite avec les élèves l’acropole d’Athènes reconstituée, ou que l’on se promène dans le Parthénon, c’est autre chose que de les voir dans un manuel !
Gregory : Je suis tout à fait d’accord avec ce qui a été dit, et au-delà de l’intérêt pédagogique il y a aussi l’envie de proposer quelque chose de nouveau. C’est également motivant pour ses propres pratiques.
Vous avez animé un atelier au CLIC sur la réalité virtuelle. Quelle question revenait les plus souvent parmi les participants ?
Jordi : Les enseignants se demandaient notamment comment, dans une classe de 35, avec les petits moyens dont nous disposons, il était possible de mettre en place un dispositif de réalité virtuelle.
Grégory : nous avons expliqué qu’effectivement, il est hors de question que chaque élève soit équipé d’un casque de réalité virtuelle. Nous privilégions l’utilisation d’un seul casque par un élève, et projetons ce qui est visualisé dans le casque via un vidéoprojecteur pour les autres. L’outil permet ainsi aux élèves de travailler et d’échanger sur une expérience qui est commune.
Jordi : Il me semble difficile d’intégrer la réalité virtuelle dans une configuration de cours classique. Cela fonctionne mieux lorsque l’on est dans une démarche de classe inversée et de plan de travail, par exemple. Une partie de la salle de classe peut alors être dédiée à la ressource en réalité virtuelle, que les petits groupes d’élèves peuvent utiliser tour à tour.
Il y a aussi la méthode que permet Google Expedition : les élèves sont chacun équipés de leur smartphone dans un Cardboard en carton, et se retrouvent tous ensemble au sein du même espace virtuel. Chacun voit donc la même chose en même temps, et le professeur ou un autre élève peut servir de guide.
Quel conseil donneriez-vous à un enseignant qui souhaite proposer la réalité virtuelle à ses élèves ?
Gaëlle : Qu’il faut commencer modestement, car c’est très chronophage. Se lancer tout de suite dans un projet trop compliqué pourrait décourager. Faire confiance aux élèves également : ils feront de toute façon des retours sur ce qui leur est proposé. Il faut savoir les accepter et prendre du recul dessus.
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