Pouvez-vous vous présenter et présenter votre parcours ?
Mon entrée dans le métier remonte à 1997, stagiaire en collège dans les environs de Dijon. Après deux ans de pratique en collège, j’ai pu intégrer un lycée européen grâce à la certification section européenne anglais. J’ai depuis occupé plusieurs postes, entre Dijon, Beaune, et Abidjan désormais, avec le souci de me diversifier constamment. J’ai pu enseigner en section cinéma audiovisuel et ai monté des projets de tutorat, ai occupé la fonction de référent numérique, et ai co-organisé des échanges avec l’étranger. Le lien entre tout cela fut de chercher à aller plus loin que mes compétences initiales. Au final, j’ai pu découvrir les multiples fonctions auxquelles ce métier peut donner accès.
Pourquoi avez-vous décidé de quitter le système éducatif français ?
Je vois plus mon départ de France comme un prolongement naturel. Je reste en partie géré par l’Éducation Nationale, détaché durant quelques années pour exercer en Côte d’Ivoire. Le lycée français international Jean Mermoz d’Abidjan est bien français lui-même, et mon adaptation à l’établissement n’a pas été la partie la plus surprenante de mon expatriation. Les programmes, les objectifs d’enseignement et les outils pédagogiques sont globalement identiques.
Mes motivations, dans un contexte professionnel relativement familier, sont en fait d’accroître encore plus la palette des fonctions occupées. À Abidjan, la possibilité de se former, par l’existence d’un centre de formation in situ dans l’établissement, donne immédiatement la teneur : on vient pour tenter de monter de nouveaux projets, on sent que l’on peut plus facilement nous répondre « oui » au lieu de formuler un prudent « peut-être ».
Deuxième aspect clé de mon départ, l’envie de vivre dans un espace multiculturel. Non pas que la France soit monochrome, mais disons qu’ici on raisonne nécessairement en mode ouvert sur la différence. Il faut de suite l’intégrer. Nous sommes invités à échanger avec les élèves et leurs familles, et le fait de vivre ailleurs crée plus d’opportunités de rencontres. La diversité des cultures vient à nous de toute façon. Pour tenter une comparaison, c’est comme de passer d’un bassin de piscine pour apprendre la plongée, et d’aller plonger directement dans l’océan : l’équipement semble le même, mais le milieu dans lequel on évolue est incroyablement plus riche et plus mobile. Cela change l’expérience.
Quelles démarches avez-vous effectuées pour être recruté sur un poste à l’étranger ?
L’inscription de la candidature se fait sur le site de la Mission laïque Française. Après les multiples documents téléversés, vient la phase des pré-sélections, des échanges de mail, des entretiens en visio. C’est là que la situation change par rapport à l’entrée dans l’Éducation Nationale.
Les entretiens classiques et les documents administratifs, habituellement demandés, font l’objet d’une procédure plus poussée. Il faut se préparer à une logique plus sélective. Il faut se préparer à des questions plus techniques et stratégiquement ciblées : on ne cherche pas vraiment à savoir si vous avez un diplôme ou des compétences (cela est déjà su), mais l’on veut vérifier ce que vous allez en faire une fois arrivé en « terre inconnue ». Les démarches sont donc certes formelles, mais ensuite bien plus fondées sur l’explicitation et l’engagement.
Pouvez-vous citer les points positifs et les points négatifs (ou difficultés) de cette expérience ?
Arrivé en septembre 2021 sur mon poste MLF à Abidjan, j’ai encore bien à observer et à découvrir.
La ville en elle-même : les premiers pas dans une métropole d’Afrique sub-saharienne sont, je ne le cacherai pas, assez déroutants. La vie de famille est moins facile à organiser. Avec un enfant de deux ans, on cherche des choses qui n’existent pas à l’identique, voire pas du tout. Des trottoirs, des parcs à jeux en plein air, des médiathèques… Bon, une fois la poussette renvoyée en France parce qu’inutile, on sait qu’on a changé d’espace. L’organisation est juste très différente. Les crèches existent bel et bien derrière des façades en tôle, la végétation cache de très belles piscines, les bouchons impossibles se traversent ainsi que les carrefours malgré leur apparente anarchie. En fait, une expression ivoirienne fait rapidement sens : « Y’a pas de problème ». On trouve toujours une solution. Le pragmatisme facilite le dénouement de toutes les situations.
Les relations humaines sont également étonnantes. Le ton est plus direct tout en étant courtois. La politesse est de grande rigueur, même pour « faire le rang » durant deux heures. Les prix apparaissent clairement gonflés pour l’Occidental mais la négociation est toujours agréable. La lenteur de certaines procédures administratives peut estomaquer. Et en même temps, chaque fois que vous vous déplacez avec un enfant en bas âge, on vous fait passer devant. Tout le monde est très attentif aux uns et aux autres. Le respect pour les doyens (les cheveux blancs) est impressionnant. Ca tombe bien, j’en ai quelques-uns !
Le regard que l’on porte sur soi et sur les autres est aussi un moment particulier. La métropole et ses environs recèle de trésors paysagers et de personnes chaleureuses. Il faut savoir dépasser l’appréhension de se retrouver dans une ruelle remplie par les poussières de l’harmattan, pour entrer chez un commerçant qui vous vendra un sapin de Noël et des guirlandes, alors qu’il fait 39 degrés à l’extérieur. De même, aller manger en bord de lagune après avoir traversé des quartiers très pauvres vous fait ressentir au début quelque chose d’irréel, voire de déplaisant. Puis vous vous habituez. Car tout le monde vit ensemble au final dans la grande cité.
En fait, le lycée français est l’espace le plus facile à assimiler. On se sent dans un milieu très familier, professionnel et humain. Les élèves se comportent bien et sont bien encadrés. Le lycée est très plaisant.
Quels conseils donneriez-vous à un professeur souhaitant, comme vous, partir enseigner à l’étranger ?
Il faut avoir de bonnes dispositions et de bonnes raisons. La pratique du sport ne fait jamais de mal. Le lycée propose d’ailleurs un bassin de natation de 25 mètres, accessible deux soirées par semaine.
Il faut consentir à certains investissements, pour un non meublé et une voiture. On apprend à trancher, entre les objets matériels que l’on croyait être importants en France, et ce qui compte désormais.
On doit se connaître un minimum soi-même avant d’entreprendre ces démarches. Être volontaire rend tout le temps service. Il faut aussi être souple dans l’organisation : ne pas chercher à recréer son univers français, ni à adopter à 100% un style local pour fusionner avec. Chercher son nouvel équilibre. Un exemple concret, c’est la nourriture. Je recommanderai d’une manière générale d’y aller graduellement, comme avec les épices. Pour se loger, sachez si vous consentez ou non à des contraintes en temps de transport, en loyer, en superficie ; cela jouera au niveau du prix.
Le fait de venir en famille semble vraiment être un plus. Le soutien moral et la force des liens constituent un atout majeur. Quand on pense avoir complètement perdu ses repères, on se raccroche à des personnes qui partagent votre projet.
Enfin, l’entraide et les bons coups de main de collègues et de l’administration sont très bienvenus.
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