Depuis la rentrée 2023, une heure hebdomadaire de soutien ou d’approfondissement en maths ou en français est mise en place pour tous les élèves de 6ème. Objectifs ? Renforcer la maîtrise des savoirs fondamentaux, approfondir les connaissances et favoriser l’autonomie des élèves dans leur travail. Cette heure hebdomadaire fait partie des 26 heures d’enseignement obligatoires. Elle se déroule en interclasse, en regroupant des élèves autour de compétences précises en fonction des besoins identifiés par leurs professeurs. Ce sont des professeurs de français, de mathématiques et des professeurs des écoles qui encadrent les sessions de soutien tandis que celles d’approfondissement sont gérées généralement par des professeurs de français et de maths. Si ce dispositif semble clair sur le papier, sur le terrain, il soulève plusieurs difficultés.
Des emplois du temps complexes
La gestion des listes d’élèves, des groupes et l’aspect administratif qui les accompagnent sont le gros inconvénient, selon Claire Piolti-Lamorthe, présidente de l’Association des Professeurs de Mathématiques de l’Enseignement Public de la maternelle à l’Université (APMEP). Dans les gros établissements, il y a des contraintes d’emploi du temps et ces groupes, réunissant des élèves de diverses classes, ont été complexes à organiser. Sans compter qu’ils peuvent évoluer au cours de l’année.
Des groupes parfois denses
L’un des objectifs de cette heure hebdomadaire est de pouvoir mieux accompagner les élèves, notamment ceux en difficulté. Mais faute de personnel suffisant, l’effectif est parfois important. Pour avoir des groupes allégés, les professeurs des écoles devaient signer le Pacte enseignant afin de venir enseigner dans les collèges. Mais si aucun ne souhaitait le signer, aucun autre mode de financement n’était prévu afin de réduire les groupes. « Dans certains établissements, les groupes sont donc restés à 28 élèves », explique Claire Piolti-Lamorthe. Un effectif semblable à celui de la classe habituelle et qui ne permet pas d’approche plus personnalisée pour le soutien.
Peu de temps pour échanger entre enseignants
De plus, les professeurs des groupes classes normaux et ceux qui interviennent pendant cette heure de soutien ou d’approfondissement ont peu de temps pour échanger ensemble sur les élèves et les points à travailler en priorité. Ces moments de concertation n’ont pas été prévus ni financés. « Dans notre établissement, deux professeures des écoles se sont engagées dans le dispositif. On les croise pendant la récréation entre deux cours car le reste de la semaine elles sont dans leurs écoles respectives. Et a priori, les démarches pour se faire rémunérer sont assez complexes. Elles sont payées plusieurs mois après, ce qui n’est pas très motivant », confie la professeure de mathématiques. Des conditions peu favorables à la cohésion entre les équipes fixes et les intervenants extérieurs et qui rejaillit sur la qualité de ces heures.
Une instabilité aussi pour les élèves
Du côté des élèves, ce système présente aussi des zones d’ombre. Ces heures regroupent des collégiens issus de différentes classes. Et à chaque période de vacances ou à chaque trimestre, des changements de groupes sont faits. C’est également un enseignant de plus à découvrir alors que l’élève était habitué à n’avoir qu’un seul professeur dans le premier degré. « Cette heure de soutien ou d’approfondissement n’est pas assurée par le professeur que les élèves ont habituellement en cours or ils ont besoin de cette relation d’attachement. Là, ils ne voient l’enseignant qu’une heure et il n’y a pas d’enjeu », constate Romain Vignest, président de l’Association des Professeurs de Lettres (APLettres). Par ailleurs, certains professeurs des écoles ont abandonné le dispositif pour s’investir dans d’autres missions dans le cadre du Pacte. Certains collégiens se sont donc retrouvés face à un nouvel intervenant en cours d’année.
Des progrès dans les apprentissages ?
Les heures de soutien ont pour vocation d’aborder des points non maîtrisés par les élèves tandis que celles d’approfondissement visent à travailler autrement les compétences en français ou en mathématiques. Mais le volume horaire, jugé insuffisant, est pointé du doigt. « Si on avait eu, en effectif réduit, chaque semaine, une heure pour le français et une heure pour les maths, ça aurait permis une aide plus pertinente car plus régulière. Si on suit, à 28 élèves, une heure de maths pendant six semaines avec un professeur que l’on ne connaît pas, ça ne fait pas vraiment progresser. C’est dommage parce que si ces moyens avaient été pérennisés pour avoir davantage d’heures en demi-groupe ou en co-enseignement dans le cadre du groupe classe, ça aurait pu être pertinent », estime Claire Piolti-Lamorthe. De son côté, Romain Vignest ne peut s’empêcher de déplorer le faible niveau des collégiens en raison, entre autres, d’un programme scolaire revu à la baisse d’année en année et de moyens peu pertinents employés pour relever la barre. « On a des élèves qui arrivent en 6ème avec des problèmes très lourds. Ce qu’ils acquièrent à l’école primaire comme connaissances lexicales et grammaticales est dérisoire. Ceux qui ont un niveau correct ne l’ont pas acquis à l’école mais dans leur famille. Les élèves qui n’ont que l’école pour pouvoir apprendre correctement la langue sont condamnés à ne pas la maîtriser du tout en 6ème. Une heure de soutien en 6ème, ça ne peut absolument pas compenser chaque année de non apprentissage. C’est un petit pansement mis pour essayer d’arrêter une hémorragie », regrette-t-il.
Avec l’avènement des groupes de niveaux annoncé par le gouvernement, l’heure de soutien-approfondissement ne sera plus d’actualité l’année prochaine. Mais les futurs groupes de niveaux sont déjà redoutés par les enseignants car la recherche en éducation a montré, entre autres, qu’ils contribuaient à creuser les inégalités.
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