Mardi 18 juin, c’est le retour du bac de philo, la seule épreuve finale commune à tous les élèves de la voie générale et technologique. L’an dernier, elle s’était déroulée de manière isolée en juin tandis que les épreuves de spécialité avaient été programmées en mars. Un calendrier qui avait fait grincer des dents la communauté éducative en raison de l’immense démobilisation constatée chez les élèves. « 82 % de leurs notes au baccalauréat étaient déjà jouées. Nous avons été consternés de voir s’installer un climat de pré-vacances dans les classes. Les élèves ne travaillaient plus et nous disaient que même avec un zéro à l’épreuve de philo ils auraient le bac », se souvient Marie Perret, présidente de l’Association des professeurs de philosophie de l’enseignement public (Appep). Cette année, les épreuves de spécialité ont lieu elles aussi en juin. Jérôme*, professeur de philo dans le Val de Marne, se félicite de ce changement. « C’est une très bonne chose qu’ils aient toutes leurs épreuves de spécialité en juin avec la philo. L’an dernier, les élèves avaient le sentiment que le bac était joué d’avance », confirme-t-il. Si le nouveau calendrier a été accueilli avec soulagement par les enseignants, celui-ci reste à nuancer. Il n’y a plus cette démobilisation mais toujours un certain relâchement depuis le bouclage des dossiers ParcourSup et quelques absences d’élèves convoqués à des entretiens pour leurs études supérieures.
Un coefficient plus faible que le bac de français
Un autre aspect du bac de philo est pointé du doigt par l’Appep : son coefficient. Il est de 8 sur 100 pour la voie générale et de 4 sur 100 pour la voie technologique. « Ce coefficient est plus faible que celui affecté aux épreuves de français or traditionnellement l’épreuve de philo en Terminale est l’équivalent de celle du français en 1ère. La symétrie n’a pas été respectée », constate Marie Perret. L’association a fait part de son incompréhension quand le ministère l’a sondée suite à la réforme du bac mais elle n’a obtenu aucune explication. Pour Julie Le Mazier, professeure de philosophie au Lycée Claude Monet du Havre, ce coefficient moins élevé que celui de français en 1ère peut s’expliquer. « Le coefficient est cohérent avec la place accordée à la philosophie dans la scolarité des élèves. On ne peut pas pénaliser exagérément les élèves qui ne parviendraient pas à s’approprier cette discipline exigeante en une seule année », estime l’enseignante.
La philo sous-cotée par rapport au grand oral
En revanche, le coefficient moins élevé par rapport à celui du grand oral, suscite l’incompréhension des enseignants. « Le coefficient pour la philo n’est clairement pas assez fort. Les élèves passent moins de temps sur le grand oral, peut-être 10 heures de préparation individuelle seulement », précise Jérôme. Julie Le Mazier, elle, le perçoit comme un exercice sans grand intérêt, à la préparation chronophage pour des résultats très limités. « Le fait de devoir choisir un sujet personnel est discriminant socialement, de même que le principe de l’épreuve orale. Les élèves sont inégalement habitués à traduire leurs centres d’intérêt personnels dans des problématiques académiques », regrette-t-elle. Les élèves de la voie générale préparent l’épreuve de philo 4 heures par semaine et 2 heures pour ceux de la voie technologique. Mais aucune heure de préparation au grand oral ne figure dans l’emploi du temps des Terminales qui doivent faire les recherches chez eux. Pour pallier ce manque, Jérôme prend du temps lors du dernier trimestre sur l’heure d’aide et d’orientation pour préparer ses élèves au grand oral. D’autres donnent quelques conseils entre deux cours… « Il y a quelque chose de contradictoire entre le faible niveau du coefficient de philosophie et la volonté ministérielle de relever le niveau d’exigence alors que le grand oral est préparé par les élèves eux-mêmes sans moyen », regrette Marie Perret. Celle-ci corrige depuis 26 ans l’épreuve de philosophie et a également évalué l’épreuve de grand oral l’an dernier. Un exercice qu’elle juge compliqué en raison des attendus très flous. « On doit juger des qualités oratoires mais aussi la solidité des connaissances puisque les élèves sont censés appuyer leur grand oral sur celles acquises dans leurs spécialités. Or, il est très difficile de savoir si l’élève n’a pas appris un exposé trouvé sur le net ou généré par une IA ». Le jour de l’épreuve, les candidats ont 20 mn de préparation et 20 mn de passage. « Beaucoup écrivaient l’exposé qu’ils allaient ensuite lire donc c’est tout sauf une épreuve orale », estime la présidente de l’Appep.
Enfin, le coefficient de l’épreuve de philo est également moins élevé pour les élèves de voie technologique que celui d’EPS qui est de 6 sur 100. Une maigre récompense, selon l’enseignante et ses élèves, au vu des efforts et du travail réclamés par l’épreuve de philo.
Une place à redéfinir
L’Appep espère que le ministère finira par entendre ses arguments et passera à l’avenir l’épreuve de philo à un coefficient de 10. Pour d’autres, comme Julie Le Mazier, ce n’est pas tant le coefficient qui pose problème mais la place accordée à cet enseignement au lycée. La philo mériterait selon elle d’être enseignée plus tôt dans la scolarité. « Rien ne s’y oppose dans les capacités de réflexion des adolescents. Et puis, les élèves sont en demande d’une préparation sur une plus longue durée. Ceux qui commencent la philosophie en première avec la spécialité Humanités, Littérature, Philosophie en sont très satisfaits », argumente-t-elle. En attendant, les Terminales ont encore quelques jours pour réviser la philo et décrocher de précieux points pour obtenir leur bac cette année.
* Le prénom a été changé
Je n’arrive toujours pas à comprendre comment les professeurs de philosophie peuvent oser publier de telles tribunes sans avoir honte. Ou peut-être ont-ils un sens bien trop développé de leur importance.
Si on commence par parler de coefficient, peut-être faudrait-il rappeler à ces chers collègues que, pour le bac S, qui était préférentiellement choisi avant la réforme, les coefficients étaient de 4 (2+2) pour le français et 3 pour la philosophie. Ramener au nouveau bac, cela correspond à un coefficient de 7,5 en philosophie contre 10 (5+5) en français. L’importance de la matière a donc été légèrement augmentée pour au moins 40% des élèves… Et surtout, quand on regarde le détail, le coefficient de 10 en français comprend 2 épreuves contre 1 seule en philosophie. Il me paraît fortement illogique qu’une seule épreuve d’une matière, étudiée pendant une seule année, ait la même valeur que deux épreuves d’une matière étudiée depuis le CP…
On rajoutera que la philosophie est déjà, à mon sens, particulièrement valorisée. Une année de cours, en série générale, obtient un coefficient (8) supérieur au reste du tronc commun (6), évalué sur deux ans et dont l’étude a commencé depuis au moins le collège. La question qui se pose à mes yeux est plutôt de comprendre pourquoi une matière de tronc commun, étudiée un an, doit avoir une épreuve finale, au contraire des autres qui sont en contrôle continu.
Enfin, venir se plaindre que le grand oral vaille plus que la philosophie, sous un prétexte fallacieux d’absence d’heures de préparation, est ridicule. Déjà, il semble qu’il faille rappeler que le grand oral consiste à utiliser des compétences de spécialité pour la présentation. Cela revient à dire que, pour le contenu du grand oral, toute une partie de l’année est utilisée pour le préparer en donnant les bases qui permettront de le réaliser. Pour la partie orale, peut-être que certains professeurs ne font rien pour la préparer mais dans mon établissement, tous les professeurs de spécialité consacrent des heures pour préparer les élèves et certains proposent même de faire un grand oral blanc. L’épreuve pourrait probablement être mieux préparée mais réaliser une présentation orale d’un sujet, suivi d’un entretien, dans un domaine choisi par l’élève, me semble tout aussi formateur (voire plus) que réaliser une énième dissertation sur un domaine imposé, étudié un an, où il faut recracher les connaissances données par un professeur.
Précisons que je suis professeur de mathématiques, que la réforme a sabordé notre matière, malgré les avertissements de son utilité notamment post bac, au point d’avoir un retour en première. Une épreuve est (ou a été) envisagée mais je suis prêt à parier qu’elle n’aura pas un coefficient 8 et je n’ai pas vu de tribune sur la nécessité d’avoir un coefficient du même niveau que la philosophie…