Qu’est-ce qui vous a plu dans le scénario de Louise Violet ?

J’ai trouvé très fort que dans le scénario, Eric Besnard arrive à raconter une histoire assez simple, mais qui aborde énormément de thématiques. C’est d’abord un film sur la IIIe République, mais aussi sur les débuts de la construction de l’Ecole, à l’époque où il n’y avait même pas de bâtiment dédié dans les villages. Quand l’instituteur ou l’institutrice arrivait, on lui disait de s’installer dans la grange et de se débrouiller ! Le film raconte aussi le combat pour imposer l’Ecole obligatoire, gratuite et laïque dans les campagnes, car cela nous semble acquis aujourd’hui mais ça n’a pas toujours été le cas. Louise Violet représente la modernité, le progrès, la Ville, mais aussi l’étrangère qui va se confronter au monde rural, en allant chercher les enfants, qui sont de la main d’œuvre pour leurs parents.

J’ai trouvé beaucoup de résonnance dans ce film. Je pense qu’on ne peut pas comprendre qui l’on est sans savoir d’où l’on vient.

En parlant de résonnance, le film semble faire écho, sur beaucoup d’aspects, à la situation actuelle des enseignants : le rejet de certains parents, la remise en question de l’Ecole, le fait d’être mal payés… peut-il être considéré comme un hommage à ce métier qui n’a jamais cessé d’être difficile ?

LOUISE VIOLET-Photo David Koskas_┬® Nord-Ouest Films

Complètement ! Aux métiers de l’Education nationale qui sont toujours, malheureusement, des métiers potentiellement à risque, et qui partent d’un concept assez fou : confier nos enfants à quelqu’un que l’on ne connaît pas, et qui pourtant, par vocation ou par amour parfois, va leur donner tous les outils pour qu’ils puissent choisir leur avenir.

On a tous été marqué par un professeur, qui nous a passionnés. Pour ma part c’était un professeur de français qui proposait aussi des cours de théâtre, et qui m’a donné l’amour de ce métier. Il m’a appris la littérature, le théâtre et m’a encouragée à continuer dans cette voie. Je viens d’une toute petite ville, donc pour moi, faire du théâtre restait quelque chose d’abstrait et il m’a ouvert cette possibilité, en me poussant à passer le Conservatoire à Nîmes.

Comment avez-vous préparé ce rôle d’institutrice ?

J’aime beaucoup l’Histoire, donc je me suis renseignée sur cette époque qu’on connaît peu : la Commune, la IIIe République…  C’est une période que l’on passe assez rapidement à l’école, je n’en avais pas beaucoup de souvenirs. J’avais besoin de savoir d’où venait Louise Violet, qui elle était, pourquoi elle avait été envoyée dans ce village. Je ne le savais pas, mais c’est à partir de 1886 que les femmes ont eu le droit d’aller à l’Ecole normale, nous sommes dans une époque où la condition des femmes n’était pas la même qu’aujourd’hui !

C’est donc une femme extrêmement moderne, elle a une vocation qui lui permet de vivre, mais elle porte un secret qui lui donne cette force, et j’ai trouvé que c’était un personnage très intéressant à créer. J’ai travaillé la grande Histoire, la petite histoire, et comme Louise Violet est un personnage qui n’a pas réellement existé, elle permet d’incarner tous ceux qui se sont battus et dont on ne connaît pas le nom.

LOUISE VIOLET-Photo David Koskas_┬® Nord-Ouest Films

Avez-vous eu des retours d’enseignants sur le film ?

Non seulement les enseignants sont très emballés, mais les élèves aussi ! Certains profs sont venus assister aux avant-premières avec leur classe et les élèves ont adoré. Ils ont pu ensuite aborder toutes les thématiques avec leur enseignant, beaucoup plus facilement : la République, la laïcité, la ruralité, la condition des femmes….

Nous avons aussi eu des remerciements de la part des enseignants, qui ont eu le sentiment d’être « boostés » après avoir vu le film, car il montre que même si le métier est difficile, il permet de réaliser de très belles choses !

Un message à faire passer aux enseignants ?

Ne vous découragez pas ! Vous ne vous rendez pas compte de l’importance de ce que vous pouvez apporter. Mon prof de français, dont je parlais plus tôt, ne réalisait pas pourquoi je le citais dans mes interviews ! Et même s’ils ne le comprennent pas tout de suite, les élèves finissent par se rendre compte, parfois des années plus tard, à quel point certains enseignants ont été importants. C’est un métier extraordinaire.