Permettre aux élèves de poursuivre leur apprentissage malgré l’absence de courte durée d’un enseignant est un vrai défi. Pour assurer la continuité de l’enseignement, le Centre National d’Enseignement à Distance (CNED) expérimente le dispositif RCD – pour remplacement de courte durée – dans six établissements pilotes de la région académique Auvergne-Rhône-Alpes. Michel Reverchon-Billot, directeur général du CNED, le présente.
Aujourd’hui la pénurie de professeurs pose problème. Est-ce que les professeurs absents sont remplacés, où en est-on réellement ?
Je serais incapable de vous dire ce qui se passe dans chaque académie. Cependant, ce que je sais, c’est qu’un remplacement de courte durée est une vraie difficulté car on a beaucoup de mal à recruter des personnels sur des temps très courts. D’après la réglementation en vigueur, c’est un professeur d’une autre discipline et volontaire qui accepte de prendre en charge les élèves qui sont libérés, et qui leur donne un cours dans sa discipline à lui. Autre solution, ils sont accueillis soit en salle de permanence soit au CDI.
Quelles solutions proposez-vous pour remédier à cela ?
Pour redonner un élément de contexte, le CNED s’occupe traditionnellement des élèves empêchés, c’est-à-dire des élèves qui ne peuvent pas venir à l’école (pour raisons de santé par exemple). Mais, depuis deux ans, nous sommes de plus en plus sollicités pour venir en appui aux établissements, que j’appelle établissements empêchés. Par exemple, nous sommes intervenus lors des évènements sociaux à Mayotte, où nous avons pris en charge 7 000 lycéens. Lors de l’ouragan Irma, nous sommes intervenus très vite dans les écoles primaires qui étaient dévastées. Plus récemment, en région parisienne, nous avons dû intervenir auprès de lycéens évacués pour des problèmes d’amiante dans leur lycée.
Nous complétons donc notre mission pour les élèves empêchés auprès d’établissements empêchés. Nous avons donc pensé qu’il était intéressant d’intervenir lors de moments de tensions, avec des solutions que le CNED pourrait proposer. C’est pour cela que le projet de remplacement de courte durée est né.
Comment fonctionne ce dispositif ? Pouvez-vous nous le présenter concrètement ?
L’idée est d’avoir une plateforme qui permet à l’établissement d’agir soit de façon réactive soit de façon proactive. De façon réactive, c’est le chef d’établissement qui constate qu’un professeur de mathématiques ou de français est absent pour quelques jours. Il se connecte alors sur la plateforme, choisit les classes affectées par cette absence et leur attribue des parcours pédagogiques exclusivement en e-learning d’une durée de 50 minutes. Les élèves se retrouvent dans leur salle de classe, selon leur emploi du temps habituel, mais ils sont accompagnés par un assistant d’éducation. Ces formations en e-learning sont complètement autonomes, c’est-à-dire qu’il n’y a pas besoin de l’intervention de l’adulte. Lorsque le chef d’établissement affecte des parcours à des élèves, il choisit dans une liste de notions, en relation avec la progression de la classe dans le programme. Avant chaque début de séquence, les élèves eux ont un test de positionnement qui leur permet de choisir un parcours parmi trois niveaux de difficultés.
La solution proactive consiste en la propre initiative d’un enseignant qui sait qu’il va être absent, parce qu’il part en stage ou en formation par exemple. Dans ces situations, il est très rarement remplacé. Dans ce cas, c’est lui-même qui peut aller sur la plateforme, choisir les notions qu’il veut faire travailler à ses élèves. Le professeur peut à son retour reprendre la main sur son programme. Il obtient le résumé de tout ce que les élèves ont fait, et le niveau atteint par chacun.
Seules les absences de courte durée sont donc concernées ?
Exactement. Nous ne nous situons pas du tout au-delà de la courte durée parce que d’une part cela demande une ingénierie un peu différente. Et d’autre part, il y a déjà des systèmes de remplacement prévus par les académies. En revanche, dans les situations vraiment de crise, comme en Guyane où l’on ne trouve pas de remplaçants, et où on ne parvient pas à poursuivre les apprentissages, nous avons d’autres systèmes comme les cours à la carte, qui sont similaires aux cours de nos élèves empêchés.
Avec le dispositif RCD, nous venons en appui aux établissements. Ce dispositif numérique peut, à mon avis, compléter l’offre en présence.
Il ne s’agit pas du tout, comme j’ai pu l’entendre dire, que la machine remplace les professeurs. Nous essayons simplement de faire en sorte avec nos moyens et nos dispositifs de plus en plus performants, d’apporter des solutions.
À qui s’adresse-t-il ?
Pour le moment, aux collégiens de 5ème et de 4ème, et pour les cours de mathématiques et de français. Au lycée nous nous concentrons sur la seconde et la première, mais uniquement en mathématiques. L’idée est bien sûr de développer des parcours dans toutes les disciplines, et à tous les niveaux du collège et du lycée.
Tout ceci implique une certaine organisation, un certain coût ?
Oui, cela demande une organisation dans l’établissement. C’est la raison pour laquelle nous avons souhaité faire un pilote en accord avec la rectrice de la région académique Auvergne-Rhône-Alpes, et ses collègues recteurs de Clermont-Ferrand et Grenoble. Il nous faut absolument tester le dispositif d’abord sur le plan pédagogique pour savoir s’il est pertinent, s’il répond à un besoin, si les élèves arrivent à se débrouiller, et surtout s’ils apprennent quelque chose. Il nous faut répondre positivement à ces interrogations et c’est tout l’enjeu.
Ensuite, il faut que le pilote serve à vérifier la faisabilité opérationnelle. C’est-à-dire savoir si les établissements ont à disposition une salle avec des ordinateurs ou des tablettes pour que les élèves aient accès au dispositif numérique. Il faut également regarder la faisabilité administrative et la tolérance des établissements, mais aussi que les professeurs adhèrent.
Enfin, il faut voir le modèle économique. Le CNED n’est pas sur sa mission de service public habituelle, il y a un donc coût particulier. Est-ce que ce sont les académies qui vont financer ? Pour le moment nous sommes ouverts à toute réflexion avec l’académie de Lyon. Nous souhaitons définir un modèle complet autour de ce dispositif pédagogique. Si cela fonctionne, nous le déploierons alors à d’autres académies. D’ailleurs, nous avons déjà des demandes d’autres recteurs, car les RCD sont une difficulté majeure pour eux. Nous sommes très attentifs à ce que va donner ce test.
Le dispositif a-t-il déjà été expérimenté pour de réelles absences ?
Nous attendons qu’il y ait un professeur absent pour l’expérimenter de façon pragmatique. Cependant, les établissements vont tester le dispositif même si le professeur est présent afin que celui-ci donne son avis sur les parcours. Nous sommes pour le moment en test dans trois collèges et trois lycées de l’académie de Lyon. J’imagine qu’il y a des absences dans l’académie, mais qu’elles ne touchent pas les établissements qui bénéficient du dispositif. Nous serons donc attentifs au deuxième et au troisième trimestres scolaires. Nous sommes déjà allés dans les établissements pour former les interlocuteurs locaux, nous retournerons sur place pour faire un bilan d’expérience en juin et ainsi voir si le dispositif RCD sera déployé ou non.
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