Cadeaux

Cadeaux – Getty Images

« Plus on monte en âge, moins il y a de cadeaux. Mais les élèves réservent toujours des surprises à leurs professeurs », assure Julien Cabioch, enseignant de sciences de la vie et de la terre au collège-lycée du groupe Saint-Jean à Saint-Grégoire (Ille-et-Vilaine), tendant la photo d’une maquette 3D d’un anticorps-antigène. « C’est très réussi pédagogiquement et c’est vraiment pertinent », s’enthousiasme encore le professeur qui publie régulièrement des photos de ses présents sur son blog 

Au-delà des traditionnels chocolats, fréquents en période de Noël, les cadeaux reçus par les professeurs sont symptomatiques de la relation créée avec les élèves. « C’est quelque chose que l’intelligence artificielle ne pourra jamais remplacer », salue le professionnel de l’académie de Rennes. A Saint-Etienne-du-Rouvray, Aurélien Loisel, enseignant de mathématiques au lycée Le Corbusier, se souvient ainsi avec émotion de ce cadeau reçu par un élève de seconde en grande difficulté. « Je passais beaucoup de temps avec lui, pour faire des exercices et l’aider. Il décollait, péniblement, mais il décollait. Un jour, il est venu me voir pour me donner quelque chose. Il savait que je jouais à Pokémon, alors il m’a offert une figurine pour me remercier. Ca m’est allé droit au cœur. »

Une période propice aux gourmandises

Généralement, les professionnels ne souhaitent pas recevoir de cadeaux d’élèves, mais tous ont ainsi en mémoire quelque chose qui les a marqués. Une professeure de lettres classiques avoue ainsi avoir été touchée par les petits mots posés sur une carte postale ou l’acrostiche composé par une élève. Isabelle Lefèvre-Famechon, enseignante de sciences sanitaires et sociales au lycée de l’Authie, à Doullens (80), raconte aussi les fleurs, bijoux, chocolats souvent accompagnés de cartes, petits mots ou messages, parfois glissés sur le pare-brise ou envoyés par mail ou SMS. « La période de Noël est plus souvent propice aux gourmandises. Un élève m’apportait régulièrement des petits gâteaux fourrés aux dates confectionnés par sa maman. Il les déposait sans rien dire, mais il me guettait quand je les découvrais », raconte l’enseignante qui a aussi reçu un tee-shirt floqué « Madame Pipelette » !

La discipline, autre source d’inspiration

Car pour l’occasion, les élèves ne se privent pas de taquiner leurs profs. L’an passé, Julien Cabioch s’est vu offrir Le dico français des ados de Stéphane Ribeiro. « Toute la classe de quatrième s’est cotisée. Je l’ai lu et j’ai bien rigolé », avoue l’enseignant qui exerce depuis onze ans. A l’intérieur, des définitions, exemples et traductions de « trop frais », « se matcher », « chiller grave », « s’enjailler »… Pour « gérer », il est par exemple notifié : verbe fourre-tout qui sert à dire tout et n’importe quoi afin de rassurer son interlocuteur (…) ! Si aujourd’hui, l’ouvrage est soigneusement rangé dans sa bibliothèque, le prof de SVT l’a parfois ramené en cours !

Autre source d’inspiration, pour les proches cette fois-ci : la discipline enseignée. « Et c’est très bien. Nous, les professeurs, parlons beaucoup de notre métier », reprend Julien Cabioch. L’enseignant a ainsi régulièrement déballé des ouvrages sur la vaccination, les volcans, la sismologie. Autre cadeau trouvé au pied du sapin : une maquette d’un fœtus, des gommettes, qu’il utilise beaucoup en séances, ou l’intégralité de la série Silex and the city en bande dessinée. « C’est très drôle. Je m’en sers régulièrement en classe lorsqu’on étudie l’évolution des primates », poursuit celui qui s’équipe parfois de son casque de réalité virtuelle dont il découvre encore aujourd’hui les applications. A l’inverse, Julien Cabioch emprunte aussi fréquemment à sa matière pour gâter sa famille. Cette année, il a choisi le Smart Globe Explorer 2.0 pour ses enfants. Un globe évolutif, pour partir à la découverte de la terre en réalité augmentée, qu’il a repéré au salon européen de l’éducation en novembre dernier.

Un cadeau rêvé ?

Mais les professeurs sont unanimes. Aucun n’a en tête un cadeau rêvé. « Surtout pas quelque chose du type classe parfaite, avec des élèves qui se tiennent bien et répondent à tout. Non ! Quel ennui sinon », soutient Isabelle Lefèvre-Famechon. Plus matérialiste, Aurélien Loisel se verrait toutefois bien équipé d’un tableau interactif « afin de pouvoir faire de la géométrie dynamique, modifier des tableurs, bref rendre le cours vraiment vivant ! » Christophe Cailleaux, professeur d’histoire-géographie dans un lycée dijonnais, ne souhaite qu’une chose : « Que Jean-Michel Blanquer retire sa réforme du lycée, que la liberté d’expression des professeurs soit préservée et que les conditions d’enseignement et d’apprentissage soient améliorées en privilégiant notamment des classes à 25 élèves, et non à 35 ! »

Emilie Weynants