De nombreux enseignants ont revendiqué la liberté de critiquer l’action du gouvernement avec le hashtag #JeSuisEnseignant. Un droit de réponse à l’affaire de l’enseignante dijonnaise, convoquée par le rectorat après avoir critiqué Emmanuel Macron.
Tout commence le jeudi 20 décembre, lorsque Sophie Carrouge, professeure au lycée Le Castel à Dijon est convoquée par son rectorat à la suite d’une tribune publiée sur le site dijoncter.info. Dans celle-ci, la professeure réagit au mouvement des gilets jaunes et critique l’allocution télévisée du président de la République. Elle se moque aussi bien du fond que de la forme du discours présidentiel, et réagit aux propos tenus par Emmanuel Macron.
Si Sophie Carrouge se moque en comparant Emmanuel Macron à un « grand chef blanc », la professeure de lettres, décrite comme « en pointe dans la lutte contre la réforme du Bac et ParcoursSup, ainsi que dans la lutte quotidienne pour [les] élèves étrangers en situation irrégulière », tient des propos plus sérieux. Ainsi, elle écrit : « je remercie tous les lycéens pour leur courage physique et moral. Sans eux, je serais désespérée dans mon lycée à écouter papoter celles et ceux qui ont des avis éclairés sur le monde, tendance lampe de chevet. Je remercie les gilets jaunes qui campent sur les ronds-points et qui m’ont aidée à comprendre que, non, derrière chaque Français dans la débine, ne se cache pas l’ombre grimaçante de Marine Le Pen. Vive la lutte, la rage joyeuse, l’union des contraires. Quelle que soit l’issue de ce mouvement, la France y aura gagné en dignité et en intelligence collective ». Alors pourquoi les mots de cette professeure l’ont conduite au Rectorat ? C’est la question que se pose son comité de soutien et tous les enseignants qui, au nom du respect de la liberté d’expression, ont réagi avec le hashtag #JeSuisEnseignant.
Des tweets révélateurs du malaise enseignant
#JeSuisEnseignant permet aux enseignants de se faire entendre quand ils doivent normalement faire preuve d’un « devoir de réserve ». De nombreux tweets ont ainsi fleuri sur la toile et critiquent à la fois le manque de liberté d’expression, mais aussi le ministère de l’Éducation nationale lui-même, qui d’après certains, se verrouille et accepte peu les critiques liées à ses réformes. Interrogée sur FranceInfo, Sophie Carrouge déplorait le fait que Jean-Michel Blanquer, « serre la vis de manière très spectaculaire ».
Après la convocation d’une enseignante pour avoir publié un texte ironique et alors que le ministre veut faire passer une loi pour censurer les enseignants
le #JeSuisEnseignante crie haut et fort la liberté d’expression, le droit de s’exprimer sur les politiques éducatives!👏💪👊 https://t.co/ybbdjTTbME— Mathilde Larrere (@LarrereMathilde) 22 décembre 2018
#JeSuisEnseignante et je tweete de façon anonyme depuis que j’ai ouvert mon compte Twitter. Mais aujourd’hui, j’aurais presque envie de remplacer mon pseudonyme par mon nom et mon prénom, pour revendiquer mon droit à la liberté d’expression.
— Vie De Prof (@Letenco) 22 décembre 2018
#jesuisenseignante dans l’académie de Nancy-Metz, @jmblanquer , fille d’enseignants, soeur d’une enseignante, et je continuerai sans relâche de dénoncer les politiques qui abîment l’Éducation Nationale #JeSuisEnseignant
— Clara Forest (@Qvovsqvetandem) 22 décembre 2018
Il n’y a pas de «droit de réserve» comme dit l’article, ni même de «devoir de réserve» mais bien un droit et un devoir d’expression, les enseignants doivent être capables de repérer et dénoncer les dérivés autoritaires.
Si cette enseignante était dans une entreprise privée elle aurait aussi été convoquée et peut-être même licenciée. Le devoir de réserve est inscrit dans le statut des fonctionnaires, mais il s’oppose à la liberté d’opinion des fonctionnaires garantie par la loi Le Pors de juillet 1983. C’est donc très compliqué et à l’appréciation de la hiérarchie.
C’est un peu comme le droit de grève des fonctionnaires qui s’oppose au principe de continuité du service public. La France est un pays formidable !
Cela n’engage que moi, mais que l’on soit fonctionnaire ou employé de n’importe quelle entreprise, je pense qu’il est déontologiquement inacceptable de critiquer son employeur ou l’institution que l’on sert. Chacun se souvient de cette phrase : « un ministre ça ferme sa gueule ou ça démissionne ». Pour moi, dans une démocratie, cette maxime devrait s’appliquer à tous les fonctionnaires, qui peuvent dénoncer leurs conditions de travail ou leur rémunération mais certainement pas les décisions ministérielles.
Un enseignant est rémunéré pour servir l’Etat et appliquer les réformes décidées par les élus de la Nation. La liberté des enseignants est seulement pédagogique par le traitement didactique de leur discipline mais les réformes ça ne regarde que l’Etat.
C’est seulement aux usagers du service public, qui sont aussi électeurs, que le ministre aura des comptes à rendre mais pas aux enseignants qui n’exercent pas une profession libérale mais qui sont ses employés.
C’est toujours ainsi que j’ai conçu mon métier d’enseignant puis de personnel de direction pendant un peu plus de 40 ans. Je n’ai pas toujours été d’accord avec les réformes mais j’ai obéi et appliqué à la lettre car c’était ma mission et mon engagement de serviteur de lEtat, tout en conservant cependant ma liberté de contester dans les urnes.