A l’origine de la querelle
C’est en 1919 que tout commence : le romancier français Pierre Louÿs écrit un article intitulé « Molière est un chef-d’œuvre de Corneille. » Pierre Louÿs pour info, comme le rappelle le professeur de littérature française Georges Forestier, fervent moliériste, était un spécialiste de la supercherie. Cité par France Culture, Georges Forestier indique ainsi que Pierre Louÿs « s’est rendu célèbre en publiant une prétendue traduction d’un recueil de poèmes magnifiques, ‘Les Chansons de Bilitis’, qu’il a présentés comme une traduction d’une poétesse grecque ancienne. Et un beau jour, un an plus tard, après avoir été félicité même par les hellénistes de la Sorbonne, il dit : ‘C’est moi qui l’ai fait' »…
Pourtant, l’histoire fera long feu. Il faut dire que cela fut grandement aidé du fait que Molière n’a laissé aucune trace écrite, ni moindre once de manuscrit. Le chercheur Jean-Baptiste Camps de l’Ecole des Chartes -sur l’étude duquel nous allons revenir plus bas- reconnaît également sur France Culture que « Sur le plan biographique, peut-être que ce qui permettrait vraiment de clore le débat, c’est de trouver un manuscrit de Molière écrit de sa main. »
Le chercheur Denis Boissier va ainsi recenser sur son site Corneille avec Molière tous les arguments en faveur de Corneille auteur des pièces de Molière – y compris en s’appuyant sur les textes de ses contemporains dont Boileau.
Le débat sera vivement relancé en 2001 suite à la publication d’une étude s’appuyant sur l’informatique prouvant que Corneille serait bien l’auteur des pièces de Molière.
En réaction aura lieu la création par Georges Forestier du site « Molière auteur des oeuvres de Molière, » recensant tous les éléments prouvant le contraire.
Molière est bien l’auteur
Une très sérieuse étude prouvant que Molière est bien l’auteur de ses pièces vient juste d’être publiée par Jean-Baptiste Camps et Florian Cafiero, deux scientifiques du laboratoire Lied (CNRS/Université de Paris) et de l’École nationale des chartes (Université Paris Sciences et Lettres). L’étude s’appuie sur des techniques dites d’“attribution d’autorité”, qui reposent sur l’analyse statistique des habitudes d’écriture et des tics de langage nichés dans un texte pour en déduire son auteur. Les deux chercheurs y ont eu recours pour comparer le vocabulaire, la grammaire, les rimes et les mots-outils de trente-sept comédies en vers de Molière et de Pierre Corneille mais aussi de Scarron, Rotrou et Thomas Corneille, ce qui n’avait jamais été fait auparavant.
Le résultat est sans appel : Molière est bien l’auteur de ses oeuvres, et il apparaît même que « ça n’est jamais Pierre Corneille qui est le plus proche du style de Molière parmi les auteurs du corpus » précise Jean-Baptiste Clamps. Pour lui, la querelle Molière auteur ou non de ses pièces n’a plus lieu d’exister. « Dans l’état actuel des méthodes, le débat est tranché » affirme-t-il sans hésiter sur France Culture.
Pouvez-vous demander à ces deux chercheurs qui auraient selon vous « prouvé très rigoureusement » que Corneille n’a pas écrit une seule pièce attribuée à Molière, pourquoi dans leur démonstration comparative ont-ils écarté 24 pièces pour n’en retenir que 8 et sur quels critères ? Merci d’avance.