Invité sur France Inter le 26 février, le ministre de l’Education nationale Jean-Michel Blanquer a évoqué les augmentations de salaires promises aux enseignants.
Une stratégie pluriannuelle d’augmentation
Outre la « marge de 500 millions d’euros supplémentaires, en plus de l’augmentation ‘normale’ du budget prévu en 2021[…], nous ferons, année après année, des marges supplémentaires », a annoncé le ministre. Cela permettra « d’avoir une stratégie pluriannuelle d’augmentation des professeurs, avec une vision clairement affirmée qui est de faire du professeur français l’un des professeurs les mieux payés d’Europe. On se compare souvent à l’Allemagne, et c’est ce but-là qu’on doit poursuivre tout au long de la décennie, en mettant le paquet », a-t-il affirmé.
Au moins 100 euros pour les primo-arrivants
Jean-Michel Blanquer est encore à ce stade « devant un champ d’hypothèses ». Les discussions avec les syndicats devraient aboutir à des précisions « dans les prochaines semaines ». « Néanmoins, cela aboutira quelle que soit l’hypothèse à au moins 100 euros [d’augmentation] pour les primo-arrivants », a-t-il déclaré. « C’est un de mes premiers buts d’augmenter les débuts de carrière, puis les milieux de carrière, car c’est là qu’il y a les plus grands rattrapages à faire et qu’on doit renforcer l’attractivité du métier ».
Grande consultation des professeurs
Jean-Michel Blanquer a par ailleurs annoncé le lancement d’une « grande consultation pour tenir compte du ressenti des professeurs ». Cette consultation se fera par internet du 3 au 17 mars, « auprès des 850 000 professeurs, afin de connaître leur ressenti, leurs préconisations, leurs idées ».
Ce qui n’a pas manqué de faire réagir les syndicats enseignants :
Comme 99,9% des #enseignant·e·s le soutiennent, #Blanquer va répondre lui même à la grande consultation anonyme des #professeur·e·s. 😉#BlanquerMent #stopmepris #JeanMichelAPeuPrès #JeanMichelCompteMoi #jesuis01pourcent #degeldupointdindice https://t.co/aCtNRV4w5B
— FSU 93 (@93Fsu) February 26, 2020
Blanquer nous prend pour des cretin-e-s . Combien de consultation depuis son arrivée et combien ont servi a quelque chose ?#BlanquerMent #BlanquerDemission
— SNES/FSU CRETEIL (@SnesFsuCreteil) February 27, 2020
Jean-Michel Blanquer annonce une « grande consultation » des professeurs https://t.co/wsbR4ObTUA via @20minutes
Et suscité quelques réactions parodiques :
FLASH 🔴 @EdukActus révèle en exclusivité le début du questionnaire que Jean-Michel Blanquer veut adresser aux enseignants. pic.twitter.com/oSjG0he7cu
— EdukActus 🌵 (@EdukActus) February 26, 2020
[Spoiler] En exclu, la conclusion de la consultation anonyme des profs : « 99,9% des profs sont d’accord avec le ministre et on a les noms des 0,1% restant. » #PasDeVague #JeSuis01PourCent
— Marie-Laure GB (@MarieLaureGB) February 26, 2020
« faire du professeur français l’un des professeurs les mieux payés d’Europe. On se compare souvent à l’Allemagne, et c’est ce but-là qu’on doit poursuivre tout au long de la décennie, en mettant le paquet »
Les enseignants français ont des rémunérations deux fois inférieures à celles des allemands.
La croissance globale des rémunérations des enseignants allemands est continue et forte alors que celle des enseignants français
est…négative !
Le pouvoir d’achat des enseignants français s’érode depuis 40 ans avec une accélération ces vingt dernières années.
Pour couronner le tout, le point d’indice est bloqué depuis 10 ans et ce gouvernement a retardé d’un an les minuscules revalorisations prévues par le PPCR (300 €/an !).
Et c’est ce gouvernement qui prétend augmenter de façon massive et « historique » les enseignants.
Ce gouvernement passe son temps à parler, à affirmer sans preuve, à ne donner aucun gage.
Il fait un observatoire des rémunérations alors que la situation est clairement identifiée, puis une consultation en mars sur le « ressenti » des enseignants alors qu’il connait l’état des lieux, et met dans les textes de la réforme des retraites des éléments anticonstitutionnels sur la revalorisation des salaires !
Il gagne du temps pour ne rien faire si ce n’est s’assurer de la docilité des personnels.
Et si toutefois on croit aux promesses les plus « ambitieuses » on ne peut que sourire.
Des augmentations de 100 €/mois pour les enseignants les mieux lotis, sachant que la plus grande partie n’aura que quelques dizaines d’euros, ne sont pas compatibles avec la promesse de « faire du professeur français l’un des professeurs les mieux payés d’Europe ».
Un enseignant français en début de carrière gagne près de 1200 € de moins que son homologue allemand…et 2500 € de moins en fin de carrière !
Avec des augmentations entre 20 et 100 €, il faudrait plus de deux décennies pour espérer rejoindre les rémunérations allemandes !
Et puis, il y a les contreparties.
Les enseignants français ont vu leurs rémunérations fondre tout en ayant une charge de travail toujours plus importante. Ils ont donc travaillé plus pour gagner beaucoup moins. Et il faudrait que pour retrouver le niveau de rémunération d’il y a 40 ans ils acceptent de travailler encore plus.
Ce n’est plus un rattrapage ou une revalorisation qui sont proposés, mais la rémunération d’un travail supplémentaire. La rémunération horaire ne serait donc pas augmentée.
Dans ce marché de dupes, il ne faut pas oublier que le blocage du point d’indice, l’augmentation des charges liée à la « réforme » des retraites et l’inflation vont accélérer l’érosion des salaires.
Ces seuls éléments suffiront à anéantir les effets des revalorisations les plus faibles.
Comment avoir confiance ?
J’ai travaillé longtemps dans le système scolaire allemand et, depuis que je suis revenu en France, constate à quel point je travaille beaucoup moins en tant que professeur certifié en lycée. Les exigences de la direction dans le système français sont inexistantes, les vacances beaucoup plus longues et les emplois du temps bien plus favorables en France. Beaucoup moins de pression, de comptes à rendre auprès de la hiérarchie qui nous laisse relativement tranquille en France. Une vie scolaire ici alors qu’en Allemagne, nous étions responsable du suivi des absences et de toute la discipline. Quant à l’organisation des examens, c’était également pris en charge par les équipes pédagogique à qui revenait une lourde charge administrative. Rien de comparable, donc. Quand j’entends mes collègues se plaindre de leurs journées de travail et de la difficulté du métier, je ne comprends pas. Si nous alignons certes les salaires français avec ceux d’Allemagne et augmentons alors les exigences de travail je sais que beaucoup de collègues seront en difficulté.
Vous enseignez quelle discipline ? Les mathématiques ? L’EPS ? Je ne vois quel autre type d’enseignant pourrait trouver sa charge de travail légère en étant consciencieux.
Euh… pourquoi les maths? Selon la vielle légende urbaine selon laquelle les copies de maths c’est vite corrigé parce que « c’est juste ou c’est faux » ??? En tant que prof de maths je trouve votre commentaire irrespectueux et infondé.
Les professeurs allemands ne travaillent pas l’après-midi et ont des cours de 45 minutes… De plus lorsqu’ils enseignent deux matières ce n’est pas maths-physique mais maths et sport.
Je suis également prof certifié en lycée et j’ai exercé longtemps en collège, je travaille tous les week-ends et pendant la majorité des vacances.
Peut-être enseignez-vous une discipline très cool ou n’êtes-vous pas en lycée d’enseignement général…
Les chefs d’établissement en Allemagne sont des enseignants qui continuent d’enseigner la moitié du temps. Ils sont plusieurs dans le même établissement et sont généralement très expérimentés en tant que professeur.
En Allemagne, il n’y a pas de collège unique donc les problèmes de discipline sont beaucoup moindre également…
Ce que vous dites semble juste pour le secondaire.
En élémentaire, les collègues gèrent TOUT ! 6 heures par jour …
Instruction, surveillance, discipline (impossibilité d’exclure des élèves de la classe ou de l’établissement … Ce qui est TRÈS bien !), suivi des absences … même l’infirmerie !!! etc …
Sans oublier que les directeurs ont quasiment tous une classe !
Ancien directeur en ZEP qui ne regrette rien mais HEUREUX d’être en retraite …
des fois exclure un élève est très bien aussi, que faire d’un élève menaçant et/ou insultant envers ses camarades ou ses profs?
Qu’espérions nous d’autre que du mépris? Lorsque les professeurs de primaire se sont fait restreindre leur droit de grève en 2009, ça n’a pas beaucoup bougé ailleurs. Même chose lors de la réforme du collège en 2015 et pour le LP l’année dernière. Celle du lycée « profite » de la concomitance avec celle des retraites. Quand à bouger pour d’autres membres de la FP, c’est hautement improbable. Je sais qu’il y en a qui ont participé aux mouvements, fait preuve de solidarité mais force est de reconnaître qu’on n’était pas assez. Trente ans qu’on se fait tondre et si peu de réactions. Clientélisme a trop souvent été confondu avec syndicalisme: cf mutations, problèmes avec hiérarchie/parents d’élèves… Pour survivre il faudra se protéger en disant »au-delà de 35 heures par semaine, j’arrête », « je ne travaille que dans l’établissement en profitant des trous ». Et même avec ça il faudra faire de heures ailleurs pour mettre du beurre dans les épinards et/ou avoir la chance de partager sa vie avec un-e partenaire qui la gagne bien. Sur ce, bon courage, je vais m’occuper de mon dossier pour la rupture conventionnelle à la quelle on a enfin droit.
Je ne comprends pas pourquoi ce sujet fait partie de la rubrique « secondaire ».
Et le primaire ? Nous sommes les moins bien payés et les plus impactés par la réforme des retraites… Donc certainement les plus concernés, non ?