Franck, secrétaire national SNUEP-FSU en charge des politiques éducatives :
« La réforme de la voie professionnelle menée par J.M. Blanquer poursuit des objectifs multiples dans le cadre d’une action gouvernementale plus vaste. Le plus flagrant de ces objectifs reste budgétaire, car cette réforme réduit les horaires d’enseignement accordés aux élèves, et par voie de conséquence, le nombre de postes d’enseignant/es. Mais cet objectif n’est pas le seul et les autres sont bien plus idéologiques. Si on note que les enseignements qui souffrent le plus des diminutions horaires sont les enseignements généraux, on comprend quel rôle assigne le ministre à la voie professionnelle : celui de former des ouvrier.es et des employé.es « tournes-bouton ». Par ailleurs, la volonté globale du gouvernement de développer l’apprentissage, couplé à cette réforme de la voie professionnelle, est en train de transformer les lycées professionnels en « roue de secours » pour les contrats d’apprentissages rompus et pour les jeunes dont le patronat n’aura pas voulu s’occuper. Les conséquences de tout ça sur les personnels sont parfois dramatiques, car les PLP perdent le sens de leur métier avec des conditions de travail dégradées et des injonctions contradictoires leur demandant de « faire mieux avec moins ». Le CHSCT ministériel, à la demande du SNUEP-FSU, s’est d’ailleurs prononcé, en septembre dernier, pour l’abandon de cette réforme au regard des risques psycho-sociaux qu’elle engendre sur les professeur.es. »
Axel, professeur de lycée professionnel en maths-sciences dans l’académie de Rennes :
« Dans les lycées professionnels, nous faisons face à une contradiction. D’un côté le ministre emploie un discours volontariste envers la voie professionnelle, prônant excellence et réussite. De l’autre, dans les établissements, difficile de mettre en œuvre cet objectif quand le nombre d’heures de formation diminue et les contenus à enseigner restent conséquents. Nos élèves ont besoin de temps, notamment à leur arrivée en LP pour prendre confiance en eux, mûrir. Ils arrivent en lycée pro avec une forte attente des heures d’ateliers. Mais ces temps en atelier sont désormais réduits amenant parfois à seulement 6 heures hebdomadaires en bleu de travail. Les parents et les élèves nous interpellent sur cette situation sans que nous puissions les contredire. Les dispositifs imposés que sont la co-intervention et le chef-d’œuvre doivent, selon le ministre, donner du sens aux enseignements. Mais nous, professeurs, n’avons pas attendu ces dispositifs pour donner du sens à nos enseignements. Plutôt que de grands discours politique, nous voudrions avoir les moyens d’enseigner et de faire réussir nos élèves. Que s’arrêtent aussi les injonctions descendantes déconnectées des réalités de terrain. »
Christian, professeur retraité de lycée professionnel en lettres-histoire dans l’académie de Bordeaux :
« La réforme de la « voie professionnelle », voulue par Jean-Michel Blanquer et effective depuis la rentrée 2019, s’inscrit dans le cadre de la libéralisation du marché de la formation professionnelle. Il n’est pas innocent qu’elle ait été confiée à deux représentants du monde de l’entreprise, la députée Céline Calvez et le chef cuisinier Régis Marcon, spécialiste de…l’apprentissage !
Ainsi, nos lycées professionnels n’ont plus pour finalité la formation méthodique et complète de l’Homme, du travailleur et du citoyen. L’important, c’est l’employabilité immédiate !
Les élèves de bac professionnel du secteur de la production perdent 380 heures de formation, ceux des spécialités du service, en perdent 294, particulièrement en enseignement général ! Il en va de même pour l’enseignement en CAP. Ces coupes sombres rapprochent donc le temps d’enseignement donné aux élèves de LP de celui donné aux apprentis en CFA ! Cette réforme n’est pas sans conséquence sur l’avenir des élèves de LP : la diminution drastique des heures d’enseignement qui s’ajoute à la réduction d’une année de formation en 2008 passant le bac à 3 ans, va compliquer particulièrement leur poursuite d’études. Les professeurs, quant à eux, complètement désarmés devant ces réformes successives, ne savent plus quel sens donner à leur métier puisqu’ils ont de moins en moins de temps pour enseigner à des élèves parmi les plus fragiles de notre système scolaire ! »
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