Samedi 6 juin, Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Education nationale, et Gabriel Attal, Secrétaire d’Etat à la jeunesse, annonçaient à Ouest France, les mesures envisagées cet été pour assurer les « vacances apprenantes ». Des vacances qui doivent permettre à un million d’enfants de s’aérer mais aussi de rattraper une partie de leur retard scolaire, aggravé pendant le confinement. Tout ceci sans que les familles les plus modestes n’aient à payer quoi que ce soit. Une enveloppe de 200 millions d’euros doit, en effet, financer ce dispositif. Celui-ci s’articule autour de quatre opérations : les écoles ouvertes, les écoles ouvertes buissonnières, les colonies de vacances apprenantes et les accueils de loisirs apprenants. Ces deux dernières opérations doivent « offrir une dimension éducative supplémentaire à leurs activités habituelles », a ainsi expliqué Gabriel Attal. Les écoles ouvertes, elles, existent déjà. Elles accueillent lors des vacances près de 70 000 jeunes, souvent issus de quartiers prioritaires, notamment au collège, pour leur proposer des activités de soutien scolaire, mais aussi culturelles et sportives. L’idée est d’étendre cette opération à 400 000 enfants, du primaire au lycée (surtout professionnel) et aux territoires ruraux. Cela devrait mobiliser 25 000 enseignants, soit cinq fois plus qu’habituellement. Quant aux écoles ouvertes buissonnières, il s’agit d’écoles situées à la campagne ou proches du littoral et qui accueilleront des jeunes en petit groupes, hébergés en internat ou en tentes, et pris en charge par la fédération du scoutisme français.
Besoin d’une vraie coupure
Ces mesures ont eu un écho mitigé chez les enseignants. Sur la forme d’abord : une fois de plus, ils regrettent d’avoir été informés de ces opérations indirectement, par la presse. S’ils reconnaissent qu’il est important que l’Education nationale propose des choses aux enfants en difficulté et à leurs familles, ces mesures les laissent sceptiques. « Vouloir faire de l’école partout, ça ne me semble pas être adapté. En colonie, les activités ont déjà une visée pédagogique mais permettent justement d’apprendre de manière différente. Ca fait du bien aux enfants de sortir du contexte scolaire qui peut être angoissant pour certains », déclare Guillaume, professeur de math dans un collège en éducation prioritaire de l’académie de Lille. Un avis partagé par Frédéric Marchand, secrétaire général de l’Unsa Education. « Si on donne plus de moyens à des dispositifs comme l’école ouverte, ça peut avoir du sens mais il ne faut pas penser que c’est une solution magique pour résorber les difficultés scolaires des élèves. Les colonies sont un complément éducatif. Il ne faut pas tout transformer en école, sinon ce ne sont plus des vacances », ajoute-t-il. Celui-ci met également en garde contre une fatigue des chefs d’établissement et des équipes éducatives qui ont déjà « fait beaucoup ces derniers mois pour absorber les ordres et contre-ordres. S’ils doivent organiser des choses tout au long de l’été, ça va être difficile ».
De son côté, Aurélie, professeur d’allemand dans un lycée de Sarcelles, s’est toujours montrée disponible pour le dispositif des écoles ouvertes afin d’aider les élèves à revoir les fondamentaux. Mais elle regrette ce timing très serré. « C’est bien si plus d’élèves peuvent en profiter. Mais on va avoir une charge de travail encore plus importante. On a besoin de vacances. La limite entre vie pro et perso a déjà été pas mal franchie pendant le confinement. Je suis prête à travailler plus, mais à la rentrée », glisse la jeune femme.
Un faible impact sur les décrocheurs
Les enseignants interrogés déplorent un effet d’annonce dont ils redoutent des effets très limités. « Les écoles ouvertes, ça existe déjà en éducation prioritaire avec souvent une semaine début juillet et une fin août. Ce n’est pas une semaine ou deux qui vont réduire les écarts. L’impact sur les élèves qui ont décroché est faible. D’ailleurs, ceux qui ont coupé avec l’école pendant le confinement, ne sont pas revenus dans les établissements après. Pourquoi viendraient-ils cet été ? On ne sait pas combien d’enfants vont s’inscrire et je ne suis pas sûr que les parents les y envoient non plus », ajoute le professeur de maths. Les mesures annoncées, Aurélie les accueillent plutôt favorablement. « Enseignant dans une zone assez défavorisée, je ne peux qu’encourager ces départs en vacances pour les jeunes. Et s’il y a de l’éducatif à côté, c’est encore mieux. Mais au niveau pédagogique, ça me semble compliqué car, encore une fois, on n’a le temps de rien préparer », regrette-t-elle.
Anticiper la rentrée
Pour avoir une action plus solide et valable auprès de davantage d’enfants, les enseignants préféreraient que les efforts se concentrent sur la rentrée de septembre. Guillaume aimerait ainsi qu’il y ait une réflexion sur ce qui est essentiel, quitte à revoir les programmes scolaires. Il voudrait pouvoir davantage personnaliser les apprentissages des élèves pour faire face aux disparités. Aurélie le rejoint sur l’idée qu’il faut accompagner les élèves tout au long de l’année par petits groupes. « Il faudrait prévoir plus de soutien pendant les petites vacances, généraliser le tutorat en petits groupes d’élèves pour les accompagner au collège ou au lycée sur la méthodologie et prévenir le décrochage. Les efforts pédagogiques à la rentrée permettraient à tous les enfants d’en profiter, pas seulement à ceux qui partent en vacances », suggère la professeure d’allemand. Frédéric Marchand acquiesce et prévient : « Deux cents millions d’euros ce n’est pas rien. Il faut bien les utiliser car il faudra aussi des moyens à la rentrée pour le second degré pour prévoir des temps en petits groupes ».
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