Des cahiers de mots-croisés, de défis intellectuels… sont plus profitables !
Mélanie, enseignante de SVT en collège dans l’académie de Poitiers :
« En tant que parent, je comprends la tentation… Acheter un cahier de vacances à ses enfants pour qu’ils « ne perdent pas ». A supposer qu’un enfant perde quoi que ce soit en se reposant, en s’ouvrant à autre chose. Il y a selon moi deux catégories d’élèves ciblées. Tout d’abord ceux qui ont des difficultés scolaires, et dont les parents espèrent que cela va les aider. Peut-être que ceux-là en tirent un certain bénéfice, si le cahier est utilisé dans les derniers jours de vacances, pour se rafraîchir la mémoire et reprendre des habitudes de travail. Il y a ensuite ceux qui sont doués à l’école, et qui sont susceptibles de s’ennuyer en vacances, intellectuellement s’entend. Mais pour ces enfants, cela peut avoir un effet pervers : les activités des cahiers de vacances sont souvent cadrées et répétitives, ce qui peut lasser les plus motivés. Des cahiers de mots-croisés, de défis intellectuels ou sportifs, de découverte de la nature… sont à mon sens bien plus profitables car stimulants sans avoir de côté rébarbatif. N’oublions pas que c’est un marché avant d’être un besoin pédagogique… »
Il existe des moyens bien plus intéressants de les stimuler intellectuellement
Nicolas, enseignant de mathématiques en collège dans l’académie de Créteil :
« A la question de savoir si, en tant qu’enseignant, je suis pour les cahiers de vacances… j’aurais tendance, tels qu’ils existent pour le moment, à répondre par la négative. Je ne vois pas bien ce qu’ils apportent aux enfants, si ce n’est de se dire qu’ils n’ont pas passé deux mois à « ne rien faire ». Il existe tellement de moyens bien plus intéressants de les stimuler intellectuellement. Par exemple en prenant davantage le temps de jouer avec eux aux jeux de sociétés ou aux jeux de cartes, ils mettent alors en oeuvre de nombreuses capacités qui seront très utiles en classe. Par ailleurs, en faisant ainsi, les élèves n’ont aucunement l’impression de « travailler » ce qui rendra la tâche bien plus agréable et bien moins contraignante. De plus, leur proposer aussi des sorties, des promenades ou des visites durant lesquelles on observe et discute autour d’un monument, d’un objet, d’une œuvre d’art… tout cela ne peut être que positif et les prépare, à mon sens, bien plus efficacement qu’un cahier de vacances, à aborder une nouvelle année. Après, sur les dix derniers jours rien n’empêche de revoir avec eux les deux dernières leçons de chaque discipline pour reprendre un rythme plus scolaire. Mais l’année est assez dense pour eux, pour ne pas leur mettre de pression supplémentaire durant l’été. »
Pense-t-on réellement aux enfants lorsque l’on achète un cahier de vacances ?
Jérémy, professeur des écoles dans l’académie d’Orléans-Tours :
« Les cahiers de vacances, depuis longtemps, trônent dans les magasins à, l’approche de l’été et de plus en plus tôt. Les parents en achètent pour se donner bonne conscience ou par réelle volonté de bien faire. Mais les enfants dans tout cela, pense-t-on réellement à eux lorsque l’on les achète ? Oui diront certains, « j’ai même pris celui avec son personnage préféré ». Moi je dirais non. Acheter un cahier de vacances comme on achète 3kg de pommes en choisissant les goldens parce qu’on les préfère, ce n’est pas comme acheter un outil pédagogique auquel on doit donner du sens. Si on fouinait dans les maisons on trouverait un grand nombre de cahiers avec seulement quelques pages de faites. Car les enfants, pour faire plaisir au début se prêtent au jeu, mais se lassent vite de faire des devoirs quand il n’y a pas école. Au lieu de dépenser quelques euros dans les cahiers, il faudrait peut-être songer à ce qu’on peut leur apprendre par le jeu, par l’échange, par la découverte sans que cela ne coûte rien, et que ça ne ressemble en plus même pas à des devoirs. »
Le cerveau se construit aussi lorsque l’enfant dort, rêve ou ne fait rien
Natacha, enseignante de français en collège dans l’académie de La Réunion :
« J’ai toujours beaucoup aimé apprendre et lorsque j’étais enfant, je choisissais souvent un ou plusieurs cahiers de vacances. Leurs couvertures représentant des plages ou des montagnes me plaisaient, les couleurs et les exercices souvent plus ludiques m’attiraient. Je « picorais » dans ces cahiers de vacances, choisissant quelques exercices et jeux… sans jamais les terminer. Il me semble que les cahiers de vacances ne devraient pas être imposés aux enfants : les vacances doivent leur permettre de souffler, de jouer, de rêver, de faire du sport, de se retrouver, de lire ou d’écouter de la musique… Si certains enfants réclament un cahier de vacances, pourquoi pas, mais sans attente ou sans pression sur ce qui sera effectivement réalisé. Certaines applications en ligne peuvent également avantageusement remplacer ou compléter un cahier de vacances, car elles sont ludiques et capables de s’adapter au niveau et aux progrès de l’enfant. Mais que l’élève soit brillant ou au contraire en difficulté, qu’il s’agisse d’application ou de cahier de vacances, il ne faut, à mon avis, ni l’imposer, ni laisser un jeune seul devant… Enfin, n’oublions pas que le cerveau se construit aussi lorsque l’enfant dort, rêve ou ne fait rien. »
A condition que ce soit un moment de partage positif !
Nathalie, enseignante d’espagnol en collège dans l’académie de Créteil :
« Lorsque je pense aux cahiers de vacances je me souviens surtout de celui de mathématiques que mes parents m’achetaient l’été. Cela représentait des devoirs contraignants avant d’aller pouvoir jouer. Un cahier de vacances, oui, mais à condition que l’enfant soit ouvert à l’idée et que cela soit un moment de partage positif et que les parents soient volontaires pour accompagner ou aider leur enfant. Au lieu de terminer les pages du cahier, l’objectif devrait être d’aborder ou de réviser des notions différemment. »
L’utilisation du cahier de vacances permet aux parents de se donner bonne conscience
Olivier, directeur d’école primaire dans l’académie de Nancy-Metz :
« Pour ma part, je ne suis pas pour les cahiers de vacances. Certains enfants en réclament parce qu’ils ont besoin d’être rassurés et, dans ce cas, il ne faut pas hésiter à leur en procurer, le choix est très large… Pourtant, l’utilisation systématique du cahier de vacances permet plus aux parents de se donner bonne conscience ! Il faut, me semble-t-il, profiter de cette période sans cours pour aiguiser la curiosité des enfants à tout ce qui les entoure : lieux de vacances, nature, quartier. Il y a vraiment de quoi faire. Les enfants ont besoin de cette période de vacances sans contrainte scolaire pour comprendre qu’on peut apprendre partout. Je préconise à mes élèves et leurs parents de choisir un livre ou plusieurs et de les partager ensemble pendant ce temps de vacances et ainsi de se créer des moments conviviaux qui seront à mon avis plus porteurs que n’importe quel cahier de vacances.
Je conseillerais par contre aux parents de remettre les enfants en condition de travail une dizaine de jour avant la rentrée, en proposant de refaire des activités du dernier cahier du jour, par exemple. Les vacances sont les vacances ! »
Article publié en juin 2018, mis à jour en juillet 2020.
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