Pouvez-vous présenter vos associations en quelques mots ?
A. Canonne : Solidarité laïque est un collectif de 50 organisations, appartenant à plusieurs familles d’acteurs : mutuelles, organisations d’économie sociale et solidaire, syndicats de l’enseignement public, associations d’éducation populaire… Leur point commun ? L’éducation dans le monde.
Nous agissons dans une vingtaine de pays, dans le domaine de l’éducation, de l’employabilité des jeunes, de l’éducation à la citoyenneté et à la solidarité internationales.
JC. Deberre : la Mission laïque française est une association qui créé et gère des écoles privées à l’étranger. Elle fait partie du groupement d’associations Solidarité laïque. Nous avons une centaine d’établissements dans le monde, dans une cinquantaine de pays. Nous sommes d’autant plus concernés par ce qui se passe au Liban que ce pays est historiquement lié à notre association, et nous y avons une dizaine d’établissements. Nous connaissons l’importance des écoles publiques dans ce pays.
Vous avez lancé la semaine dernière l’opération Urgence Beyrouth. Pouvez-vous présenter le projet et sa genèse ?
JC. Deberre : l’objectif de l’appel à dons est de fournir un cartable, tout fait, contenant du matériel scolaire de première utilité, à 20 000 enfants touchés par la catastrophe. Le contenu a été réfléchi avec des responsables de l’éducation libanais.
Nous sommes devant une catastrophe qui affecte un pays déjà profondément troublé. L’image de l’enseignement français, dans un pays comme le Liban, est celle d’un enseignement pour privilégiés. Ce qui nous a animés, c’est la solidarité avec l’enseignement public libanais, qui s’adresse aux moins favorisés. Il ne s’agit pas de solidarité caritative, il s’agit de réaffirmer que tous les enfants ont le droit d’aller sur les bancs de l’école, dignement et avec les moyens que requièrent une école de bonne qualité.
A. Canonne : nous étions déjà assez mobilisés au Liban, où plus de la moitié de la population vit sous le seuil de la pauvreté à cause de la crise financière. Nous avons appris l’explosion au cours de la nuit, et dès le matin, nous nous sommes dit que nous devions faire quelque chose. Nous avons tout de suite été conscients de la gravité de la crise pour l’école publique libanaise. 70 écoles ont été détruites, et environ 20 000 enfants se sont retrouvés dans une situation d’extrême pauvreté, privés de matériel. Nous devions aider les enfants à retrouver le chemin de l’école.
Nous savons que, si la rentrée des classes ne réjouit pas toujours les enfants, avoir un cartable avec du matériel scolaire neuf est toujours un petit bonheur pour eux. Nous ne pouvons pas tout régler, mais nous voulons apporter un peu de joie aux enfants, une envie de retourner à l’école malgré les conditions très difficiles, malgré les vitres des classes en éclats et l’hiver qui se profile…
Quelle est la situation de l’école publique au Liban depuis l’explosion ?
JC. Deberre : les écoles ont été complètement détruites pour 20 000 élèves. La rentrée a été retardée au 28 septembre par le ministre de l’éducation, qui est démissionnaire. A coup sûr, la rentrée ne sera pas effective au 28 septembre puisque les chantiers, trop importants, ne seront pas achevés.
Selon vous pourquoi est-il primordial que les enfants libanais retournent à l’école publique ?
A. Canonne : il y a 18 communautés religieuses au Liban. Cette fragmentation rend impossible l’établissement d’une unité nationale. Aujourd’hui, il faut que les libanais « fassent peuple ». Dans les écoles publiques, un message de laïcité est adressé aux enfants. C’’est peut-être grâce à cela que cette nouvelle génération va prendre conscience que « faire peuple », cela commence par être laïque et arrêter de se dénigrer entre communautés religieuses.
JC Deberre : quand un pays a connu une guerre ou une catastrophe, les parents n’ont qu’une chose en tête : que leurs enfants puissent retourner à l’école parce que c’est l’avenir. C’est comme si la vie recommençait. Nous devons être à la hauteur de notre tâche et rendre cela possible.
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