Organisé par l’association Arrête ton char en partenariat avec le Festival Européen Latin Grec, le Prix Littérature Jeunesse Antiquité propose aux élèves francophones du monde entier d’élire les meilleurs ouvrages jeunesse de l’année, inspirés par la culture antique. Les prix seront remis au Salon du Livre Antiquité, le 26 mars 2021. La participation est gratuite, et les inscriptions sont en cours. Interview avec Robert Delord.
Pouvez-vous présenter le Prix Littérature Jeunesse Antiquité ? Qui peut participer ?
La participation est destinée aux élèves du CM1 jusqu’à la Terminale ; nous avons ajouté cette année une sélection romans-essais pour les lycées (généraux et professionnels). Pour cette édition, il y a eu des demandes de familles pour inscrire leurs enfants en Instruction en famille (IEF), que nous avons acceptées. Des enseignants de cycle 2 (CE1-CE2) ont également voulu participer : ce sera possible l’année prochaine.
Pour l’instant, il y a plus de 18 000 élèves et près de 600 établissements inscrits. C’est aussi un événement qui est international, avec beaucoup d’écoles françaises à l’étranger qui participent : Pologne, Japon, Roumanie, Etats-Unis… De nombreux élèves aussi dans les DOM-TOM, et dans les pays francophones : la Belgique, le Luxembourg, la Mauritanie…
Quel est le principe ? Comment participer ?
Chaque élève inscrit doit lire une sélection de 5 livres. Il y a une sélection “roman” et une “sélection BD-mangas” pour chaque niveau.
Ensuite, les élèves rédigent la critique de l’ouvrage de leur choix : cela peut être celui qu’ils ont préféré mais pas forcément. Les critiques peuvent aussi être sous forme audio ou vidéo. Elles nous sont envoyées par les enseignants et mises en ligne sur la page de la sélection qui correspond. Une fois que nous avons reçu les critiques, les élèves ont la possibilité de voter en ligne. Les ouvrages ne sont élus que par eux, donc c’est vraiment un prix “jeunesse”.
Pourquoi ces genres littéraires en particulier (roman, BD, manga) ?
Il y a une grande richesse de l’offre de ces genres littéraires, une production d’ouvrages chaque année qui est énorme. Cette année, nous avons ajouté les mangas : les Japonais sont fous d’Antiquité gréco-romaine. Il y a deux sélections distinctes, en raison de l’appétence des jeunes pour les BD et les mangas ; ce n’est pas la même chose qu’un roman de 300 pages… Nous avions peur que les romans partent un peu défavorisés pour les votes, mais il n’en est rien.
Les ouvrages lauréats seront annoncés au Salon du Livre Antiquité. Est-ce qu’il y aura quelque chose pour les élèves aussi ?
Oui, il y aura une remise des prix le vendredi, en présence des élèves ; cela va se faire dans le cadre du Salon du Livre Antiquité. J’aimerais bien que certains auteurs et dessinateurs soient également présents. De notre côté, nous allons sélectionner les meilleures critiques pour les exposer sur le salon, et peut-être diffuser les meilleures vidéos. Il y a aussi, et c’est un gros travail de secrétariat, une récompense pour les classes participantes. Les enseignants et les élèves auront des petits cadeaux.
Est-ce vous qui avez eu l’idée de ce prix littéraire, ou est-ce une idée collective avec l’association ?
C’est une initiative personnelle, mais soutenue par l’association Arrête ton char. J’ai des enfants de 2, 11 et 12 ans, et je leur ai fait lire beaucoup de littérature jeunesse sur l’Antiquité. Moi-même, j’en ai lu beaucoup. Comme j’écris un peu aussi (je viens de terminer mon troisième livre), je pense me diriger vers la littérature jeunesse ou quelque chose qui s’en approche. Donc, j’avais un intérêt pour cette littérature-là, qui est souvent mise de côté et c’est dommage. Parce que c’est comme dans tout genre littéraire, il y a de très bonnes choses. Et, pourquoi ce prix-là ? parce qu’il n’existait pas et qu’il y avait largement de quoi faire : il y a quantité d’ouvrages qui sont publiés chaque année.
Comment s’est déroulée la première édition ?
L’an dernier, le festival a été annulé en raison de la crise sanitaire, nous avions donc remis les prix en ligne. Cette année, j’avais surtout peur qu’il y ait moins d’inscriptions à cause du virus qui complique la circulation des ouvrages, les prêts… Mais finalement, il y a beaucoup d’inscrits aussi pour cette édition.
Comment se passe la sélection des livres ?
La présélection et la sélection sont faites par un comité de 98 enseignants cette année. C’est important d’avoir un comité de sélection large, pour mettre tout le monde d’accord sur ce que les élèves vont lire. Pour le choix des ouvrages, il y a plusieurs choses. Par exemple, nous faisons attention à mettre en avant de grands éditeurs comme des plus petits. En général, nous essayons de mêler figures mythologiques et historiques, Grèce et Rome, voire Mésopotamie… Il faut aussi qu’il y ait un côté instructif, avec des dossiers sur la mythologie, ou des livres sur l’étymologie comme celui d’Andrea Marcolongo, Etymologies, pour survivre au chaos.
Nous voulons aussi proposer de beaux ouvrages, valoriser l’objet-livre. Dans la littérature jeunesse, il y a des illustrations, beaucoup de livres brochés… Le plaisir visuel ou tactile, ce n’est pas rien pour les élèves. Cette année, le livre Julia, fille de César a une couverture cartonnée et est sous forme de journal intime, avec des pages découpées façon “ancien bouquin”.
Sur les mythes qui sont repris, des personnages reviennent, comme Antigone en CM1-CM2. Il y a des choses originales qui reprennent un mythe antique et le modernisent, comme le Mytho Story qui raconte l’histoire d’Ariane et de sa famille royale, mais à l’heure des réseaux sociaux.
Et puis, l’Antiquité se marie à toutes les sauces : Antiquité romancée, historique, ou encore fantaisie comme La Prophétie d’Ulysse, en 6e-5e… Dans la sélection lycée, Cendrine Bertani a écrit une trilogie, Les Légions d’Hadès ; c’est un développement moderne de l’Antiquité, qui se rapproche des grandes sagas comme Le Seigneur des anneaux ou Le Hobbit. Il y a aussi des livres dont vous êtes le héros, comme Mène ton enquête chez les dieux grecs, qui fait penser à une chasse au trésor. Du côté des BD, c’est varié, avec du vrai travail de dessinateur, de la BD d’auteur… par exemple, Homère, l’Odyssée de Seymour Chwast. Pour les mangas, nous avons notamment la série Pline qui a une base historique très romancée.
Que voulez-vous promouvoir avec ce prix ?
Avec le PLJA, le but est de promouvoir la lecture et l’écriture pour tout le monde. C’est pour cela que je me réjouis qu’il y ait des élèves de lycée professionnels, par exemple : c’est ce combat que nous menons, celui d’ouvrir cette culture au plus grand nombre. Les professeurs ont peu de moyens pour faire lire les élèves : moins de 1 euro par élève et par an, en général. Là, ils peuvent proposer des ouvrages récents, apporter un peu de fraîcheur par rapport aux classiques dont les élèves ont l’habitude. Pour l’écriture, l’exercice de la critique permet d’avoir une réflexion argumentée sur la qualité des ouvrages.
Je suis enseignant au collège depuis plus de 15 ans, et ce qui est intéressant c’est de réussir à la fin de l’année, à ce que l’élève qui vous disait “moi je n’aime pas lire” ait trouvé au moins un genre qui lui plaît. Il y a beaucoup d’élèves que j’ai réussi à faire lire par le biais des livres dont vous êtes le héros, par exemple ; parce qu’ils ont l’impression de faire un jeu plutôt qu’une lecture. Après, on les amène vers des choses plus riches. Pour les enseignants, ce prix est aussi un moyen d’enseigner l’Antiquité à des élèves qui ne sont pas latinistes ou hellénistes.
Pourquoi trouvez-vous important de faire vivre la culture antique et la lecture ?
L’association s’appelle précisément « Arrête ton char : Les langues et cultures de l’Antiquité aujourd’hui ». C’est un titre un peu long, mais qui représente ce que nous faisons : la culture antique fait partie de la culture générale, et développe la culture littéraire, historique, géographique… Mais les langues antiques aussi sont importantes : elles permettent de mieux appréhender le monde moderne. On connaît la racine des mots, on gagne en vocabulaire et en précision, on s’exprime plus facilement. On n’apprend pas le latin pour faire du latin, mais pour en faire du français, mieux comprendre les textes. J’explique tout cela dans mon livre Mordicus : ne perdons pas notre latin !
Et puis, il y a toute la question de l’imaginaire : l’Antiquité est partout (au cinéma, dans les jeux vidéos, les pubs…) mais elle a tendance à disparaître de l’école. Il y a dix ans, cela a commencé par la suppression de l’Egypte ancienne du programme, alors que c’est un thème qui passionne les élèves. Les langues anciennes sont assez mal en point car les ministres successifs ont donné de moins en moins de moyens. Avec l’association, nous avions rencontré Jean-Michel Blanquer il y a quelques temps, et lui avions dit qu’il fallait donner le goût des mots assez tôt aux élèves, ne pas attendre le lycée. Un travail a été fait autour de la formation du vocabulaire dès le cycle 3, il faut que cela continue.
Retrouvez toutes les informations sur le site de l’association.
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