Les enseignants doivent depuis plusieurs mois faire cours avec un masque. Quelles conséquences cela a-t-il sur leur voix ?
De manière générale, on sait que la voix des enseignants peut être mise à rude épreuve. Ceux qui avaient une fragilité vocale ont vu leurs difficultés amplifiées avec le port du masque. Les enseignants qui n’en avaient pas ont parfois mis en place une situation de surcompensation, pensant que leur voix porterait moins bien avec le masque. Résultat : ils se sont retrouvés avec de nouvelles difficultés de voix. En effet, il y a beaucoup plus de risque d’aphonie avec le port du masque, quand les enseignants sont en situation de forçage vocal.
Lors de mes consultations, les enseignants se plaignent beaucoup du port du masque. Ils ont l’impression de ne pas pouvoir transmettre leurs messages comme ils l’entendent, que le masque cache des expressions, des informations.
Donc depuis récemment je propose des exercices avec le masque, pour les habituer à le gérer. Et les enseignants s’aperçoivent qu’en s’exerçant un peu, il est possible d’oublier le masque.
Concrètement, que conseilleriez-vous à un enseignant qui porte le masque toute la journée pour soulager sa voix ?
J’aurais en fait huit conseils.
Le premier conseil, tout simple, est de partir du fait que l’on est intelligible. Si l’enseignant pense qu’avec le masque il va être moins bien entendu, son corps se met automatiquement en position de forçage. Et des mécanismes de compensation négatifs pour la voix vont se mettent en place.
Le deuxième principe est l’hydratation. Un enseignant, en tant que professionnel de la voix, est comme un sportif de haut niveau. Il doit hydrater ses cordes vocales. Et l’action de déglutir, même une petite gorgée d’eau, va lui permettre de faire des pauses, et donc de détendre tous les muscles au niveau du larynx.
Le troisième point est l’échauffement. C’est encore plus important pour les enseignants qui sentent que leur voix est fragilisée. Je recommande vraiment un échauffement en début et en fin de journée. Un échauffement vocal ne prend en général pas plus de cinq minutes, avec des techniques telles que le ronronnement, le chuchotement profond…
Nous avons d’ailleurs publié, avec mon service, une petite vidéo proposant quelques exercices.
Le quatrième conseil concerne la posture. Chez l’enseignant, nous savons qu’il y a des postures inadaptées, par exemple lorsqu’on l’on écrit au tableau et que l’on se contorsionne pour continuer de parler aux élèves. C’est déjà une posture inadaptée en temps normal, mais avec le masque c’est encore pire. Il faut que le corps aide le message à passer, on ne doit pas parler qu’avec nos cordes vocales. Nous avons aussi publié une vidéo sur le sujet.
Le point numéro cinq concerne le débit de paroles. Si l’enseignant derrière le masque veut « rentabiliser » son message, il va accélérer son débit de paroles pour que tout le message tienne dans une seule expiration. Or, non seulement ceci va l’essouffler et créer des tensions au niveau du larynx, mais en plus les élèves, qui auront reçu trop d’informations, risquent de ne pas comprendre le message.
Le conseil numéro six est de soigner sa respiration. C’est aussi fortement lié au débit de paroles. Une bonne respiration doit être fréquente et de faible amplitude. Avec le masque, on se dit qu’on va manquer d’air, et on a tendance à prendre de grandes respirations. Cela a juste pour effet de coller le masque sur le visage. La respiration doit rester la plus naturelle possible. Nous proposons également une petite vidéo avec un exercice de respiration assez simple.
Le 7e conseil est à propos de l’articulation. Pour compenser le fait qu’on ne puisse pas lire sur les lèvres, on peut avoir tendance à sur-articuler. Encore une fois, la bonne attitude est de se dire que le masque ne change rien, et de privilégier une articulation « verticale », c’est à dire avec une ouverture de bouche. De la même manière nous avons publié une vidéo avec quelques exercices pour montrer aux enseignants comment travailler seuls leur articulation.
Enfin, le dernier principe est d’être à l’écoute de sa voix. Un enseignant a pour préoccupation principale de transmettre son cours. Pris dans l’urgence du moment, il risque de négliger sa voix et de ne pas se rendre compte qu’elle est fatiguée à la fin de la journée. Alors que s’il y prête un peu attention, qu’il prend régulièrement des pauses pour s’hydrater, qu’il soigne sa posture, sa voix sera beaucoup mieux préservée. Il vaut mieux s’arrêter quelques minutes régulièrement dans la journée que de rester une soirée sans parler pour économiser sa voix.
Comment un enseignant doit-il réagir quand il sent que sa voix se détériore ?
Si un enseignant ressent une fatigue vocale qui est trop intense, il ne doit pas attendre d’avoir des lésions au niveau des cordes vocales, il doit consulter. D’abord un médecin O.R.L. dans un premier temps, qui le redirigera ensuite vers un orthophoniste.
Les enseignants qui avaient déjà des problèmes de voix avant le port du masque peuvent utiliser des dispositifs comme un amplificateur de voix ou un micro. Mais je pense que ce ne sont pas des appareillages de prévention. C’est plutôt une solution quand le problème est déjà installé.
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