Comment accueillez-vous la création de cette agrégation d’informatique ?
C’est une bonne chose ! On s’est félicité de la création du Capes d’informatique et, désormais, nous nous félicitons de cette agrégation car l’une des questions essentielles relative à la mise en œuvre d’un enseignement, c’est la formation des professeurs. On ne va pas « alphabétiser » toute une génération sans professeurs formés. C’est donc une excellente nouvelle de ce point de vue.
La mise en place de cette discipline n’a pas été un long fleuve tranquille…
Non… Nous menons des actions pour un enseignement d’informatique de culture générale pour tous les élèves depuis des décennies. Dans les années 80, il y avait une option d’informatique dans près de la moitié des lycées d’enseignement général et qui était en voie de généralisation. Elle a été supprimée en 1992, rétablie en 1995, et à nouveau supprimée en 1998. Il y a ensuite eu l’échec prévisible du B2I (Brevet Informatique et Internet, Ndlr), ce « désert explicatif ». Nous avons obtenu en 2012 la création d’une option de spécialité en Terminale scientifique (Informatique et Sciences du Numérique, Ndlr) ; et, en 2020, celle de la spécialité NSI (Numérique et Sciences Informatiques) pour les 1ères et Terminales et de SNT (Sciences Numériques et Technologie) en 2nde pour tous les élèves.
La création du Capes et de l’agrégation en informatique peut paraître tardive. Comment l’expliquez-vous ?
Le combat que nous avons mené peut sembler surréaliste puisqu’il consistait à dire que l’informatique était de plus en plus présente dans notre société et que les citoyens devaient y être formés pour évoluer dans celle-ci. Pourtant cet enjeu sociétal n’était pas perçu comme une évidence. L’informatique n’était pas reconnue comme une discipline scientifique au même titre que les mathématiques, les sciences physiques ou les sciences de la vie et de la terre. Il y avait une confusion entre le fait d’avoir un ordinateur chez soi et celui d’enseigner une vraie culture informatique.
L’EPI s’interroge sur le nombre de postes mis au concours. Pourquoi ?
Pour la session du Capes externe NSI de l’enseignement public, en 2021, le nombre de postes mis au concours, certes en augmentation, n’est que de 60 postes. Outre la spécialité NSI en 1ère et Terminale, en Seconde, l’enseignement de SNT représente 1h30 pour tous les élèves. Beaucoup de professeurs de diverses disciplines l’assurent sans nécessairement avoir la formation le permettant. Il y a vraiment des besoins énormes qui ne peuvent que s’accroître si l’on garde la perspective d’un enseignement pour tous.
Vous attendez aussi une reconnaissance officielle de l’institution pour les professeurs…
Oui. Depuis des années, l’enseignement de l’informatique a été possible grâce aux professeurs qui ont fait d’énormes efforts pour se former, qui ont passé un diplôme inter universitaire… La question qui se pose aujourd’hui, c’est la reconnaissance institutionnelle des efforts faits par ces professeurs-là. Il ne faut pas les oublier. Dans cette perspective, Capes et agrégation internes et listes d’aptitude ont un rôle à jouer.
En quoi cette reconnaissance est-elle importante ?
Ils en ont besoin pour ne plus être à la merci d’une mutation d’office, de l’arrivée d’un collègue… Il pourrait y avoir des directives disant que lorsqu’un collègue assure l’enseignement de l’informatique dans un établissement, il a la priorité sur un enseignant qui y est nouvellement affecté. Quant aux nouveaux Capessiens et agrégés en informatique, ils pourraient être affectés de préférence dans les établissements sans enseignant d’informatique pour élargir l’offre de cet enseignement.
Certaines disciplines comme les mathématiques peinent à recruter. Quid de l’informatique ?
Il y a une crise de vocation globale. Le métier d’enseignant est de plus en plus difficile dans la gestion de la classe, au niveau du (bas) salaire, de la baisse de considération. Il reste des étudiants qui ont la vocation d’enseigner, qui sont sensibles au statut de la fonction publique… Mais les conditions ne sont pas là pour une ruée vers les concours.
Que faut-il encore faire, selon vous, pour valoriser l’informatique sur le plan scolaire ?
Il faut se donner les moyens de former les personnels pour avoir des ressources humaines dans tous les établissements. Nous réclamons la présence de l’enseignement de l’informatique dans le tronc commun de tous les élèves jusqu’au Bac : 1h30 en Seconde c’est un bon début mais ça ne suffit pas. Répétons-le, il y a des besoins énormes par rapport aux demandes existantes et futures.
Il existe une spécialité NSI en 1ère et Terminale… Est-elle insuffisante ?
Tous les élèves ont besoin dans leur culture générale d’une composante informatique. On est au XXIème siècle. Et puis il faut abandonner en Terminale l’une des trois spécialités choisies en 1ère. Dans la mesure où les maths et la physique sont incontournables pour s’orienter vers les classes préparatoires aux grandes écoles, il y a une déperdition du nombre d’élèves en spécialité NSI en Terminale sur tout le territoire.
Il y a eu des avancées évidentes dont on se félicite mais le nombre de postes et l’objectif d’un enseignement pour tous les élèves restent des points essentiels à développer.
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Les bac techno sont tellement méprisés que même ici on ne cite pas le bac stt informatique de gestion qui avait le mérite de très bien préparer au BTS informatique de gestion