Vous êtes intervenu lors de la Journée du sommeil de l’INSV pour parler des conséquences du confinement sur les rêves des Français. Comment cet impact va-t-il être mesuré ?
Des « collectes de rêves » ont été effectuées pendant le premier confinement, et les récits recueillis font l’objet d’une étude. Pour l’instant, cette étude ne porte que sur les modifications des rêves du confinement de mars 2020. Durant le deuxième confinement, les Français ont eu beaucoup moins de changements dans leurs rêves, ce qui est assez logique. Le premier confinement a été un stress aigu, et tout à fait généralisé. Beaucoup de Français ont eu la surprise de voir leurs rêves modifiés. Ils rêvaient de la crise sanitaire et de ses conséquences.
Au moment du deuxième confinement, cela a été plus hétérogène. Il faut souligner que 85 % des Français ont pu continuer leur activité au travail, ce qui n’était pas le cas lors du premier confinement, où, selon les secteurs d’activité plus de 50 % des gens avaient arrêté de travailler.
Quel sera l’objectif de l’étude de ces récits de rêves ?
Ces travaux sont menés par des personnes du domaine des sciences humaines (psychanalyste, sociologue, anthropologue), et seront présentés à l’occasion d’un colloque en mai à la Bibliothèque nationale de France.
L’intérêt de ces études de rêves en période de confinement est d’avoir une meilleure compréhension de la matière du rêve. Elles démontrent ainsi que, lorsque les gens sont soumis au même stress, leurs rêves se ressemblent.
Avez-vous les premiers résultats de cette étude ?
Deux types de rêves sont prédominants : il y a d’une part les rêves très inquiétants, liés à la maladie, à l’hospitalisation, également au fait d’être enfermé. Ce sont les rêves majoritaires, mais il y a un autre type de rêves, un peu plus rares, qui sont les rêves apaisants. Par exemple, des rêves où les gens font la fête, ce qu’ils ne pouvaient pas faire dans la vie, puisqu’ils étaient confinés.
Cela montre que les rêves sont importants dans notre régulation émotionnelle. Les gens vont vivre des émotions en rêve afin de mieux les « métaboliser ». S’ils rêvent de choses inquiétantes et sont confrontés le lendemain à ces choses inquiétantes, ils seront moins désemparés.
Vous avez d’alleurs cité une étude qui décrivait ce processus de régulation émotionnelle…
Cette étude du Docteur Tononi montre qu’au moment du sommeil paradoxal, lors duquel se font beaucoup de rêves, s’active une zone du cerveau qui s’appelle l’amygdale, très impliquée dans la peur et les manifestations émotionnelles. Le lendemain, elle sera moins active face à un événement inquiétant. Comme si le cerveau avait été « préparé » pendant la nuit.
Puisque le rêve est impliqué dans la gestion des émotions, il est important d’avoir suffisamment de temps de sommeil pour mieux gérer ses émotions.
L’étude des rêves de la population n’est pas nouvelle, il existe notamment une « dream bank », où des scientifiques ont engrangé de nombreux récits de rêves. Pouvez-vous nous en parler ?
Pour essayer de comprendre la matière des rêves, il existe une base de données de rêves appelée la « dream bank ». C’est un site qui a collecté plus de 20 000 récits de rêves, sur un siècle environ. Il est d’ailleurs possible de soumettre à ceux qui gèrent la « dream bank » un projet de recherche afin de pouvoir accéder aux contenus et de les analyser.
Quand tout le monde est soumis à la même émotion forte, on retrouve énormément de rêves similaires. C’est ce qui s’est passé, par exemple, pour le 11 septembre.
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