Article publié le 7 septembre, mis à jour le 14, mis à jour le 29
En visite à Marseille jeudi 2 septembre lors de la rentrée des classes, le président de la République a présenté des mesures pour lutter contre le délabrement des écoles. Il a proposé entre autres dès la rentrée 2022, de mettre en place dans 50 écoles un projet innovant : permettre aux directeurs de ces écoles de choisir eux-mêmes leurs enseignants.
« Il faut que l’on ait des directeurs d’école à qui on permet d’avoir un peu plus d’encadrement. Il faut qu’ils puissent choisir l’équipe pédagogique » a ainsi déclaré le chef de l’Etat.
Syndicats d’enseignants et fédérations de parents d’élèves sont très déçus par ces annonces : si le président de la République a bien annoncé un plan financier, il est pour l’instant très flou. :
Caroline Chevet, secrétaire départementale de la FSU 13, interrogée par France Info fait ainsi part de sa « déception car on attendait des moyens substantiels pour la rénovation des écoles, des moyens chiffrés qui ne sont pas venus ».
Dans un commiuniqué le SGEN-CFDT Provence Alpes salue cette annonce d’un plan financier mais prévient que « l’investissement consenti devra être à la hauteur des enjeux éducatifs pour notre société ».
Dans un tel contexte, l’annonce faite par le président de la République concernant les directeurs d’école et les 50 écoles-laboratoires est très mal perçue.
« Les murs des classes s’écroulent »
Dans son communiqué le SGEN-CFDT dénonce ainsi de « vieilles rengaines sur le recrutement des équipes enseignantes qui n’ont jamais fait leurs preuves lorsqu’elles ont été expérimentées et qui ne sont demandées ni par les professeurs ni par les directeurs et directrices d’école. »
Pour Caroline Chevet, « c’est une réponse qui est complètement à côté de la plaque ». Elle juge que « les écoles de la République ne sont pas des mini-entreprises dans lesquelles on mettrait les enseignants en compétition les uns par rapport aux autres pour obtenir un poste. »
Frédéric Muradour, président de la fédération des parents d’élèves Peep 13 est du même avis (Sud-Ouest) : « L’école n’est pas une entreprise privée. »
Caroline Chevet ajoute, dans son interview à France Info, que « donner aux directeurs d’école de l’autorité sur leurs collègues ne résoudra certainement pas le fait que les murs des classes s’écroulent. »
Sébastien Fournier, secrétaire départemental du syndicat d’enseignants Snuipp, s’indigne également, rapporte Sud-Ouest : « On a des rats dans les écoles, on n’a pas envie de devenir des rats de laboratoires. »
Le Mouvement des Parents d’Elèves du 13 fait part également, dans un communiqué, de son immense déception : « la visite du chef de l’Etat, par ailleurs en pré-campagne électorale, nous a laissé un goût amer. Si le constat sur l’urgence d’agir est partagé, les moyens et les engagements pour y parvenir ne sont pas clairs. » Et de fustiger l’annonce de « la création d’écoles-laboratoires » qui « montre une méconnaissance des réalités de terrain ».
Un nouveau dispositif ECLAIR ?
Enfin, sur twitter, Claire Guéville, secrétaire nationale responsable du lycée au SNES-FSU, rappelle que le recrutement des enseignants par les directeurs d’école n’est pas nouveau : il a déjà été expérimenté, sans succès, dans le cadre du dispositif ECLAIR .
Et bien figurez-vous @YaelBRAUNPIVET que le recrutement par le chef d’établissement, ça a été expérimenté par l’actuel ministre quand il était Dgesco. Ça s’appelait les ECLAIR avec fiche de poste, entretien d’embauche etc… Ce fut un échec retentissant https://t.co/iG3UhMIwcO
— Claire Guéville (@VilleCG) September 4, 2021
Rebondissement
On peut lire sur le site de France Inter le 14 septembre que « la semaine dernière, les directeurs d’écoles de Marseille ont reçu un appel à projets. Le directeur académique leur promet des moyens financiers importants en échange d’un projet innovant à présenter aujourd’hui ou au plus tard jeudi. »
Pour Virginie Akliouat, du Snuipp des Bouches du Rhône, citée par France Inter, « ne privilégier que 50 écoles sur une commune qui en compte 472 « est inacceptable. De plus cela revient à mettre « les écoles en concurrence les unes avec les autres », sans résoudre les vrais problèmes
Franck Delétraz, professeur dans les quartiers nord de Marseille, du SE-Unsa, également cité, alerte sur le fait que les directeurs d’école qui ont une sermaine pour présenter un projet innovant, sont perdus, en l’absence de consignes claires.. « Il n’y a pas de canevas donc les directeurs font un peu comme ils peuvent. Ils ne savent pas dans quelle direction ils vont et ils ont une petite semaine pour le faire » déplore-t-il.
Où trouver les 50 écoles ?
On peut lire dans Nice-Matin aujourd’hui qu’il est pour lors très difficile de trouver ces 50 écoles, avant le 15 octobre, date à laquelle le président de la République revient faire une visite à Marseille. Un appel à boycotter ce projet a en effet été lancé par 40 écoles marseillaises, et « les directeurs reçoivent des mails, des appels téléphoniques, ça n’arrête pas, car il faut les trouver avant le retour du président le 15 octobre, ces écoles » indique par ailleurs Virginie Akliouat.
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Faire fructifier la hiérarchie n’apporte aucune amélioration au sein de la classe. Les élèves auront toujours le même maître, la même pédagogie.
Cette mesure témoigne d’une méconnaissance totale du fonctionnement des écoles qui n’ont jusqu’ici pas besoin de chefs en leur sein.
Quant au recrutement, sur 50 écoles s’il y a un gain, ça peut améliorer les résultats de ces 50 écoles. Au détriment de toutes les autres dont on aura pompé les « meilleurs ». A l’échelon national c’est impensable, irréalisable, sauf à vouloir créer des écoles dépotoirs où se retrouveront mauvais élèves et profs soupçonnés de « faiblesse ». Est-ce souhaitable ? Ne vaut-il pas mieux que certains collègues trouvent dans la collégialité l’appui qui leur permet d’améliorer leurs prestations ?
Que cache cette fausse « responsabilité » offerte aux directeurs ? On peut craindre que ce ne soit que de la PUB pour faire admettre ensuite les super directeurs de plusieurs écoles regroupées…Alors pourquoi ne pas multiplier les ien, ce serait plus simple et moins clivant.