Quelle a été votre réaction en lisant le rapport de la Cour des Comptes ?
Nous sommes en accord sur de nombreux éléments. Le rapport appuie sur des sujets que nous signalons aussi au sein du Réseau des INSPÉ : l’importance de la continuité de la formation, la nécessité de prendre le temps pour devenir enseignant ou CPE…
Le rapport rappelle la difficulté de recruter dans certains territoires (académie de Créteil, Versailles) et disciplines (lettres classiques, allemand, sciences industrielles de l’ingénieur, biotechnologies, voire mathématiques). D’où viennent ces difficultés ?
Ces académies sont très vastes et ont besoin de beaucoup de postes de professeur des écoles. Or l’image qu’en véhiculent les médias n’est pas toujours positive. Le métier est également dévalorisé dans la société. Il y a aussi la question de la formation. Un jeune peut appréhender sa rentrée devant les élèves s’il a le sentiment qu’il n’a pas été suffisamment formé pour y faire face. Il faut maîtriser les savoirs disciplinaires, c’est l’évidence, mais il faut aussi être formé pour gérer l’hétérogénéité des publics, les problèmes spécifiques liés aux territoires…
Ces causes amènent à élargir le vivier de candidats. L’an dernier, 4500 nouveaux contractuels ont été engagés. Quels problèmes cela pose-t-il ?
Recruter des contractuels n’est pas un problème en soi pour assurer la réussite des élèves. Le problème, c’est la question de la formation. Est-ce qu’ils vont être capables de transmettre des connaissances, des compétences, de gérer une classe etc. ? Très souvent, ces contractuels ne sont pas suffisamment formés or notre priorité c’est que les élèves aient des enseignants le mieux préparés possible à l’exercice du métier qu’ils ont choisi.
Quid du fait d’instaurer pour ces contractuels une formation obligatoire d’une semaine avant une première prise de poste et de les intégrer aux actions d’accompagnement et de formation les premières années ?
S’ils n’ont pas déjà une formation d’enseignant, cette préparation d’une semaine ne pourra pas palier tout ce qui aurait dû être construit pendant plusieurs années. C’est indispensable mais pas suffisant, loin s’en faut. C’est important d’avoir également un accompagnement et un soutien dans les premières années. C’est en quelque sorte la formation continue.
La Cour des Comptes recommande pour les académies en difficulté et les disciplines en tension de recruter des enseignants qui s’engageraient sur 3 à 5 ans en se fondant sur leur diplôme et un entretien. Ça vous paraît suffisant ?
Non. S’il n’y a pas le concours pour attester la maîtrise des compétences disciplinaires et autres, comment on s’en assure ? On peut avoir des enseignants qui ne sont pas au niveau attendu par le ministère lui-même. Ça dépend en plus du diplôme demandé. Est-ce que ce sera un diplôme d’enseignement (MEEF) ou disciplinaire ? Ça peut certes répondre au besoin de recrutement mais le but n’est pas de mettre des personnes devant les élèves, mais des enseignants formés dans toutes les dimensions du métier. Pour nous, l’important est d’assurer une formation sur plusieurs années, progressive, avec des stages, des tuteurs formés qui accompagnent… La question du recrutement concerne l’académie, l’employeur, mais il faut avant tout réussir à mobiliser les jeunes. Actuellement, un lycéen en Terminale qui voudrait devenir professeur des écoles ne sait pas du tout quelle voie choisir tant il y a un foisonnement de dispositifs. On souhaiterait un parcours lisible, progressif et cohérent sur cinq années minimum avec des rémunérations pour les étudiants afin de favoriser leurs conditions d’apprentissage. Il est absurde d’être inscrit dans une formation professionnelle et de ne pas pouvoir la suivre en raison d’un besoin de travailler pour faire des études.
En quoi cela vous paraît-il pertinent de prévoir des formations universitaires courtes et professionnalisantes pour intégrer les reconversions professionnelles avant le recrutement ?
L’idée d’avoir une diversité de profils est très bonne. Ça se fait déjà. On a des personnes qui ont eu une première carrière et qui souhaitent se reconvertir pour différentes raisons. Ces personnes ont une réflexion avancée, des compétences acquises. C’est important de capter ce public. Ce serait intéressant de leur proposer des formations qui ne soient pas exactement les mêmes que pour les étudiants en formation initiale. A partir du bilan de leur expérience, on pourrait procéder à des ajustements, des compléments de formation pour assurer leur réussite au concours et à l’entrée dans le métier.
La Cour des Comptes propose de construire un continuum de 5 ans pour devenir professeur des écoles sur la base de licences professionnalisantes spécifiques permettant l’accès au MEEF. Vous voulez aller plus loin…
Oui nous voulons l’étendre au 2nd degré et aux futurs CPE. Pour nous, il est important de ne pas séparer le 1er du 2nd degré car c’est le même métier. Il y a deux conceptions : soit on se dit : « je maîtrise une discipline je veux devenir enseignant ». Soit on se dit : « je veux devenir enseignant dans une discipline donnée ». On choisit avant tout de devenir enseignant. A partir de là, on détermine quelles sont les compétences du métier choisi et on axe la formation dessus. Il y aurait un socle commun pour les futurs enseignants du 1er et du 2nd degrés et des contenus différents et spécialisés. Après ces licences, les étudiants pourraient rejoindre naturellement un Master MEEF. Actuellement, il y a quelques dispositifs qui existent comme le PPPE (Parcours préparatoire au professorat des écoles, Ndlr), quelques licences dédiées ou des modules de préprofessionnalisation. Les étudiants qui intègrent ce type de dispositif vont à 95 % jusqu’au bout de leur parcours. Mais ces dispositifs ne sont pas très organisés et concernent peu de monde, quelques centaines d’étudiants. On demande une formation labellisée et claire pour savoir quelle licence faire pour devenir professeur ou CPE. Ce choix ne serait pas gravé dans le marbre : on pourrait l’intégrer en reconversion ou en sortir avec des passerelles.
Le rapport de la Cour des Comptes suggère aussi d’accorder plus de moyens à la formation…
Oui et c’est un point de vue que nous partageons. Il y a tout un travail à conduire pour améliorer les moyens de pilotage y compris humains, les modèles de gouvernance et doter les INSPÉ de budgets plus stables.
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