« Nos enfants ne font pas assez de sport et préparent leur infarctus à 30 ans ! » C’est le cri d’alerte lancé par le Professeur François Carré, cardiologue et médecin du sport au CHU de Rennes, dans un article paru chez Ouest-France. Le médecin y pointe la faible activité physique des enfants et les répercussions sur leur santé : « Les enfants ne savent pas ce que c’est que l’effort. (…) Ils sont très rouges quand ils courent ! Ils ont le cœur qui bat très vite », déclare-t-il. Même constat pour Quentin Berthelet, secrétaire National AE-EPS (Association pour l’Enseignement de l’Éducation Physique et Sportive) et professeur d’EPS dans un collège dans le Centre de la France. « J’enseigne depuis sept ans aussi bien en collège qu’en lycée. Je remarque que bon nombre de mes collégiens ont moins de capacités physiques en termes de souplesse, d’endurance… Le niveau médian régresse ». Ce manque d’activité physique entraîne de lourdes conséquences pour la santé et cela bien plus tôt qu’autrefois. «
« On observe des enfants de 15 ans avec une pression artérielle plus élevée, plus de cholestérol que les enfants de 1971 », prévient par ailleurs le cardiologue dans le quotidien régional.
Outre le fait de faire du bien au corps, la pratique d’une activité physique régulière permet de mieux apprendre, comprendre et d’être plus calme. L’activité physique chaque matin permettrait de réveiller le cerveau des élèves pour qu’ils écoutent mieux. Le Pr Carré a œuvré il y a quelques années aux côtés d’autres spécialistes pour défendre l’initiative des 30 minutes d’activité physique quotidiennes à l’école primaire. Un projet qui a trouvé écho auprès du gouvernement.
Les enfants ont juste le cours d’EPS
Lancé à la rentrée 2020 dans le cadre des mesures d’héritage de Paris 2024, le dispositif est étendu depuis septembre 2022 dans les 36 250 écoles primaires du pays. Pour ce lancement, le ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse a mis en œuvre un programme annuel de formation dédié aux 30 minutes et l’a complété par des journées en académie à destination des inspecteurs et des conseillers pédagogiques. Paris 2024 et l’Agence nationale du sport ont distribué plus de 10 000 kits sportifs comprenant de petits matériels (sifflet poire, chronomètre, cônes, cerceaux, mini vortex, mini haies, ballons, cordes à sauter…) pour certaines écoles. Des fiches pratiques ont également été mises à disposition des enseignants et toutes les ressources sont accessibles gratuitement sur le site de Génération 2024.
Dans l’école de Louann et Tom en Picardie, les 30 minutes d’activités physiques se concrétisent par des jeux (épervier, poule/renard…) le lundi, du cirque le mardi, du yoga le jeudi et de l’athlétisme le vendredi. Si le dispositif n’est pas magique, il permet au moins aux enfants de se défouler un minimum…
Pourtant, à l’issue de cette première année, malgré les accompagnements mis en place, tous les établissements n’appliquent pas cette initiative. « Les enfants ont juste le cours d’EPS avec un professeur de sport une fois par semaine. La maîtresse estime qu’ils courent assez pendant les récrés. Ils n’ont pas le temps de faire 30 mn en plus par jour », explique Marion dont les enfants sont solarisés à Paris. La mesure se heurte à la réalité du terrain.
« On fait quoi des élèves dégoulinant de sueur ? »
En effet, toutes les écoles n’ont pas de structures à leur disposition. « Dans mon école, il y a 9 classes. C’est difficile de les mettre toutes dehors dans la cour quand à Nice, dès 9h on a 34°C. L’école est en altitude et la cour goudronnée renvoie la chaleur. Pour d’autres, c’est la pluie qui empêche ces séances. Et dans les classes, on fait quoi des élèves dégoulinant de sueur ? », interroge Thierry Pageot, secrétaire général du Syndicat des Directrices et Directeurs d’École (S2DÉ), lui-même directeur d’école à Nice.
Autre problème rencontré : le manque de temps. Bon nombre d’enseignants mettent la priorité sur le français, les maths etc. « Il faut consacrer du temps à ces disciplines pour remonter le niveau des élèves aux évaluations nationales. Et puis beaucoup d’écoles ont déjà des séances de natation, d’équitation, d’escalade… Si on ajoute ces 30 mn quotidiennes, ça peut vite prendre quatre à cinq heures dans la semaine sur les vingt-quatre heures d’enseignement hebdomadaires », fait remarquer Thierry Pageot. Difficile dans ces conditions de faire ces séances quatre fois par semaine.
« On n’est pas là pour les encourager à courir pendant la récré »
Quand le syndicat fait remonter ces difficultés au ministère, celui-ci préconise de réaliser ces activités physiques sur la pause méridienne ou la récréation. « Ces pauses servent aussi à ce que les enfants s’amusent entre eux, s’ennuient pour développer leur imagination. On n’est pas là pour les encourager à courir pendant la récré », rétorque le directeur d’école. Pour le bureau national de l’Association pour l’Enseignement de l’Éducation Physique et Sportive « ce sont les acteurs du 1er degré, professeurs, conseillers pédagogiques, directeurs d’écoles, inspecteurs et animateurs USEP qui doivent piloter ce type de dispositif annexe si tant est qu’il soit intéressant et possible de le mettre en oeuvre. Ce sont eux qui ont la connaissance de leurs élèves et du contexte dans lequel ils évoluent permettant de proposer une offre adaptée. Si des partenariats avec le second degré peuvent être envisagés, il ne saurait être question que les professeurs d’EPS se substituent à leurs collègues du premier degré ».
A la rentrée prochaine, chacun continuera de faire ce qu’il peut en fonction de sa situation. En attendant, les enfants ont tout l’été pour s’aérer et bouger.
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