Compte à rebours lancé pour cette nouvelle rentrée des classes. Les professeurs ont déjà la tête accaparée par l’accueil de leurs élèves et la préparation de leurs cours. Frédérique connaît bien cette période particulière. Elle est en effet professeure de français depuis treize ans en Côte-d’Or après avoir été professeure des écoles pendant quinze ans, et avoir eu un poste de transition en REP+ pendant 5 ans. Pour elle, la rentrée se prépare déjà pendant l’année scolaire. « Tout en faisant classe, on s’observe aussi en train de faire cours et on tire des leçons des réactions et des apprentissages (ou non!) des élèves. Je vois ce qui a bien fonctionné, que je garde à l’identique ou amplifie et perfectionne », explique-t-elle. En général, c’est par là qu’elle commence au début des grandes vacances. Elle lit également des ouvrages destinés aux élèves, des livres pédagogiques et didactiques. Pendant l’été, elle passe environ quinze jours à préparer ses progressions, qu’elle modifie afin de ne pas ennuyer de possibles élèves redoublants et de ne pas tourner en rond elle-même. Elle prépare également de manière très détaillée la première séquence de chaque classe, à raison d’une quinzaine d’heures par niveau. « Je prends de l’avance pour avoir une vraie tranquillité d’esprit : être sûre que tous les domaines seront travaillés, pour assurer une vraie progressivité au cours de l’année scolaire et tâcher d’intéresser chacun des élèves au moins une fois dans l’année », confirme la professeure.
Une certaine flexibilité
Pour autant, Frédérique ne va pas trop loin dans le détail de ses séquences « pour pouvoir réagir et adapter selon les classes qui ne sont jamais les mêmes d’une année à l’autre ». Il en va de même pour Charlotte qui enseigne depuis 10 ans l’anglais en région Centre. Ses cours, retravaillés pendant l’été, sont déjà prêts même si elle se laisse une marge de manœuvre pour les adapter en fonction de ses futurs élèves et de leur niveau. « Les 6e n’ont pas tous les mêmes connaissances en anglais. Ils sont d’ailleurs persuadés de ne rien savoir (ce qui est faux) donc je reprends les bases. Mais je ne sais rien pour l’instant de leur niveau réel donc j’attends. Et puis, cette année, nous aurons beaucoup d’élèves à besoins particuliers. Il faudra donc adapter au maximum », reconnaît-elle. Charlotte sera aussi professeure principale de 6e. Une fonction qui implique une préparation supplémentaire. Elle essaie ainsi d’anticiper au maximum la journée du lundi pour accueillir ces nouveaux collégiens, les rassurer, leur expliquer le fonctionnement de l’établissement, organiser sa journée etc.
Une première classe à soi
Cette rentrée a une saveur particulière pour Alice qui exerce depuis deux ans comme professeure des écoles en Seine-Saint-Denis et dont ce sera la première année à temps plein dans la même classe. « J’aurai des CE2. C’est un niveau (et un cycle) que je n’ai encore jamais eu donc j’ai commencé à préparer mon travail début août pour m’approprier les contenus du programme », explique-t-elle. Préparation de supports permettant aux élèves d’évoluer à leur rythme, achat de matériels favorisant la responsabilisation et l’autonomie, renseignements sur Internet et auprès de collègues sur les différentes méthodes d’enseignement, achat d’ouvrages… Son été est bien rempli. « J’ai à cœur de proposer à mes élèves du contenu qualitatif et ludique et d’amener les notions en suscitant leur intérêt, c’est pourquoi je réfléchis beaucoup et ai besoin de temps pour penser à mes cours. J’essaye d’avancer au maximum mon travail afin de me « décharger » le reste de l’année pour ne pas être sous l’eau », avoue-t-elle.
Une rentrée… sans élèves
Cette année, la rentrée est un peu spéciale aussi pour Stéphanie, professeur des écoles (CE2-CM1) dans le Nord depuis 7 ans. En congé maternité depuis juin, la jeune femme doit accoucher fin septembre et n’a pas encore de remplaçant. Elle n’a pas pu faire de tuilage. « J’ai dû organiser ma rentrée dès le mois de juin et je compte aller à mon école dès qu’un.e remplaçant.e y sera affecté.e en septembre… service continu », lance-t-elle. Elle pourra ainsi lui expliquer les grandes lignes, les manuels et méthodes choisis cette année par toute l’école, ses rituels en classe… En attendant, elle a préparé les fournitures et manuels comme si elle faisait sa rentrée. Stéphanie pensait que son remplacement serait plus rapide et avait même rassuré les familles inquiètes à ce sujet en juin. Pas simple d’être sur le point d’accoucher tout en préparant cette rentrée mêlée d’incertitudes. Désormais, elle appréhende un peu pour ses élèves même si elle sait qu’« ils s’adaptent très bien ».
Entre plaisir et inquiétude
A l’approche de la rentrée, Alice, qui effectuera sa première année à temps plein avec la même classe, se dit « plutôt stressée » par cet enjeu. « J’ai la chance d’être dans un établissement que je connais et que j’aime beaucoup car une partie de mon mi-temps de l’an dernier était dans celui-ci. Ce qui me rassure, c’est que je peux compter sur mes collègues si j’ai besoin d’aide. Mais, peu importe qu’on soit élève ou enseignant, la rentrée est toujours un peu stressante car on a affaire à un groupe que nous ne connaissons pas encore et on plonge un peu dans l’inconnu », remarque la jeune professeure. Frédérique, la professeure de français, est dans un état d’esprit très positif par rapport à ses futures classes. « J’adore mon métier et concevoir est très enthousiasmant. C’est le moment où tout est possible », s’enthousiasme-t-elle. Même si elle a encore du travail avant la reprise, elle l’aborde avec plaisir et sans pression. Elle se dit plus inquiète sur d’autres aspects : changement de direction dans l’établissement, initiatives du nouveau ministre de l’Éducation Nationale… Elle aimerait aussi un peu moins travailler : « malgré ma grande ancienneté, j’y passe entre 50 et 67 h par semaine, cours compris, ce qui me paraît un ratio déséquilibré. Même si j’aime beaucoup cela et que j’ai des retours très positifs, j’aimerais consacrer plus de temps à d’autres choses, pour ne pas non plus me retrouver au dépourvu quand le temps de la retraite (qui s’éloigne chaque année un peu plus) viendra », avance Frédérique. Même appréhension chez Charlotte, la professeure d’anglais. Ce ne sont pas ses cours ni ses élèves qui l’inquiètent particulièrement, mais le contexte global. L’ambiance a été tendue en fin d’année en raison du pacte et de l’organisation pour le soutien aux 6e en français et en mathématiques. « Je n’ai jamais connu une fin d’année aussi chaotique et incertaine. C’est vraiment terrible », confie la professeure. « Et puis, je sais pertinemment que nous ne serons pas écoutés et que seules des mesures populaires dans certains partis seront prises pour donner l’illusion de changement : l’uniforme possible, « le retour de l’autorité », l’élève harceleur qui pourra changer d’établissement… Nous savons tous que rien ne pourra aller mieux sans moyens (je ne parle pas seulement des salaires) dans l’éducation mais aussi dans le social. Bref, je prépare cette rentrée avec un immense sentiment d’inquiétude », résume-t-elle.
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