Nouveauté cette année: un stage en entreprise pour les élèves de seconde en juin. Aujourd’hui, seules 32 700 offres de stages sont proposées -pour 550 000 élèves de seconde. Image : Getty

En juin, c’est un classique : les élèves de 2nde ont très peu de jours de cours en raison des épreuves du bac. Pour reconquérir ce mois et mobiliser ces jeunes jusqu’à la fin de l’année scolaire, Gabriel Attal, ex ministre de l’Éducation nationale, a annoncé la mise en place de stages pour les élèves de 2nde des lycées généraux et technologiques pendant 15 jours, du 17 au 28 juin 2024. Cette solution est accueillie diversement par le corps enseignant. « Ce stage intervient un an après celui de 3ème, les élèves sont plus autonomes dans leur recherche. Et puis, ils vont être occupés, ce qui est une bonne chose car trois mois à ne rien faire, ça crée une rupture dans les apprentissages », souligne Anne Ulpat, psychologue de l’Éducation Nationale au CIO Espace Innovation Orientation Mediacom de Paris.

Un stage difficile à trouver

Valérie Jorge, enseignante en économie-gestion et secrétaire nationale de l’association R2E (Rencontres Entreprises Enseignants) dont des membres ont co-écrit « Mon pass’orientation collège » (Hachette éducation), a des retours très partagés sur cette opération. « Ce stage d’observation va permettre de combler un temps scolaire. Toutefois certains collègues estiment que cela va privilégier certains élèves qui disposent d’un réseau et qui pourront tout de suite trouver un stage. Dans tous les cas, c’est essentiel d’aller voir ce qui se passe en entreprise et tous les élèves doivent avoir la chance de réaliser un stage qui leur convient, dans un domaine qui les intéresse… On renouvelle la difficulté déjà rencontrée par certains en 3ème. Et une question se pose : l’entreprise est-elle prête à accueillir sur cette période des jeunes en stage d’observation en plus des collégiens de 3ème ? », questionne l’enseignante. Pour faciliter les recherches des lycéens, le gouvernement incite les entreprises à proposer leurs offres de stage sur la plateforme www.1jeune1solution.gouv.fr Le 30 novembre dernier, l’ex ministre remerciait les 300 entreprises et institutions qui s’étaient déjà engagées dans cette voie, 200 000 offres auraient été promises, et Bruno Le Maire avait encouragé à poursuivre cet engagement. Un effort nécessaire pour être en mesure de proposer un stage aux 550 000 élèves de 2nde générale et technologique. A l’heure où nous écrivons ces lignes, les 32 700 offres de stages publiées concernent des stages d’une durée minimale d’au moins un mois et visiblement plutôt destinées aux étudiants. Certaines régions proposent leur propre plateforme d’offres comme stages.iledefrance.fr en Île-de-France. Mais les doutes subsistent. « L’entreprise reçoit des demandes mais ne propulse pas encore des offres claires à ce sujet. On attend de voir ce qu’il va se passer cette année. C’est trop tôt pour avoir une réponse précise », glisse Valérie Jorge.

Une concurrence avec le lycée pro

Les entreprises risquent d’être fort sollicitées car les élèves de Seconde générale et technologique ne seront pas les seuls à chercher un stage sur ces dates. La réforme du lycée professionnel prévoit en effet un parcours différencié pour les élèves de Terminale. A partir de la rentrée 2024 , ceux-ci pourront choisir de partir en stage de la mi-mai à la fin juin plutôt que de suivre des cours dans leur établissement. Sans compter les autres élèves de lycée pro (2nde, 1ère, et 1ère année de CAP) et leurs périodes de stages obligatoires pour leur diplôme. De quoi faire craindre une concurrence entre les élèves de lycée professionnel et ceux de lycée général et technologique. « La plupart de nos élèves de Terminale pro iront en stage, même s’ils ont fait des vœux sur Parcoursup, parce qu’ils gagneront 100 euros par semaine (l’allocation de stage est versée par l’État, Ndlr). Quand on connaît les difficultés financières des familles de nos élèves, c’est un élément qui penche en faveur du choix du stage », lance Axel Benoist, co-secrétaire général du SNUEP-FSU et enseignant en lycée pro dans l’académie de Rennes. Il soulève aussi leur difficulté à trouver un stage en raison d’un réseau plus restreint. « Ça nous inquiète très fortement qu’ils soient pénalisés sur cette période alors que ce sont des stages obligatoires pour leurs examens », ajoute-t-il. Certains enseignants de lycée général sont tout aussi soucieux. Aurélie Gascon, professeure d’allemand dans le Val-D’Oise, craint au contraire que ce soient les élèves du lycée général et technologique qui soient laissés de côté. « J’imagine que les entreprises n’auront pas de place pour tout le monde et le stage de deux semaines en 2nde générale ça risque de ne pas être une priorité pour les entreprises comme les élèves. D’ailleurs, aucun de mes élèves n’est dans l’optique de chercher son stage, je ne sais même pas s’ils en ont connaissance », confie-t-elle.

Un suivi délicat


A l’heure actuelle, les enseignants déplorent le manque d’information concernant l’organisation de ces stages, l’accompagnement des jeunes dans la recherche, le suivi pendant leur stage etc. Valérie Jorge s’interroge : « Comment, en étant mobilisé sur les examens du Bac, peut-on aussi assurer le suivi de ces élèves en stage ? Ce n’est pas parce qu’ils sont sous la responsabilité d’une entreprise que l’équipe enseignante ne doit pas les encadrer. C’est compliqué quand on a plusieurs missions à mener à la fois ». Le récent changement de ministre risque de retarder encore l’organisation de cette opération. Et certains doutent même qu’elle puisse avoir lieu. « Ce stage ne pourra pas être obligatoire. Je ne vois pas comment c’est faisable de manière aussi massive. Le gouvernement prendra peut-être des établissements pilotes pour faire faire des stages bien ciblés histoire de faire quelques reportages et de montrer qu’on ne fait pas rien », suppose Aurélie Gascon. Chacun attend d’en savoir plus sur le sujet…