Alors que le nombre de ruptures conventionnelles d’enseignants titulaires a quasiment été multiplié par 7 entre 2019 et 2022, les professeurs des écoles tirent le signal d’alarme sur la dégradation de leurs conditions de travail et sur les défaillances de l’administration.
D’après une consultation publiée en mars 2024 par le syndicat Snuipp-FSU, menée auprès de 4 200 personnels, plus de 70 % des PE pointent ainsi du doigt la mise en place de l’inclusion des élèves à besoins particuliers. « Nous ne sommes pas des magiciens, ni des soignants”, souligne l’un d’eux, tandis qu’un autre dénonce « de la maltraitance institutionnelle, sous prétexte d’inclusion”.
« Nous sommes en permanence en train de courir »
Autre sujet de tension mis en avant par l’enquête, la rémunération insuffisante par rapport au temps de travail. Un professeur des écoles sur deux alerte à ce sujet. « Entre APC, conseils des maîtres, réunions avec les parents et les professionnels de santé, les corrections, etc… nous sommes en permanence en train de courir”, estime ainsi un répondant. En moyenne, en 2022, le temps de travail d’un enseignant était de 43h par semaine. Quant à l’évolution des salaires par rapport à l’inflation, si elle atteint +2 % pour les enseignants en début de carrière, elle chute à -14 % pour les fins de carrière.
Enfin, 46 % des répondants dénoncent des effectifs de classe trop chargés, notamment à cause du fait que « les classes de cycle 3 souffrent des allègements des autres cycles”. En moyenne, il y a 21,5 élèves par classe en France, soit plus que la moyenne des pays de l’OCDE qui se situe à 20,7 élèves par classe, et que celle des pays de l’UE 25 à 20,2 élèves.
L’augmentation des salaires et l’accès à une formation choisie, priorités des PE
Beaucoup d’enseignants déplorent également le manque de réponses de l’institution face aux problèmes mis en avant. Plus d’une fois sur deux, l’administration n’apporte aucune réponse ou des réponses non adaptées, indique l’enquête. 34 % des professeurs alertent ainsi sur les relations avec la hiérarchie.
Parmi les priorités des enseignants du primaire, la question salariale arrive en bonne place. 78 % des professeurs classent en effet l’augmentation des salaires dans leurs trois premières attentes prioritaires. L’accès à une formation continue choisie, hors vacances scolaires, est également beaucoup citée (69 % des répondants), ainsi que l’annulation des suppressions d’emploi (68 %).
Le PE renvoyé à « un rôle d’exécutant »
Frédéric Grimaud, docteur en sciences de l’éducation, explique en partie le mal-être des PE par la « prolétarisation » du métier d’enseignant. « Des réformes récentes participent à subordonner le PE à des injonctions aux bons gestes, aux bons manuels, aux bonnes techniques professionnelles, à le renvoyer à un rôle d’exécutant », explique-t-il. Pour lui, « travailler collectivement est une manière de retrouver de la puissance sociale pour la profession, en fabriquant ses propres normes ».
Françoise Lantheaume, sociologue, souligne également que « rendre visible le travail invisible des PE pourrait améliorer la reconnaissance professionnelle par le public, les familles, voire l’institution ».
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