Pour réussir l’agrégation d’histoire, Les candidats doivent prendre « de solides habitudes de travail en bibliothèque après leurs cours » conseille Joëlle Alazard. Image : Getty

Comment est défini le programme de l’agrégation externe d’histoire ?

Le programme est pensé bien en amont du concours par le président du jury, en collaboration avec des universitaires spécialistes des différentes périodes. Il est généralement publié en avril pour une préparation qui débute au mois de septembre suivant. Il y a quatre questions d’histoire, renouvelées par moitié chaque année. A ces quatre programmes d’histoire ancienne, médiévale, moderne et contemporaine s’ajoutent deux questions de géographie. Un candidat qui n’obtient pas le concours, s’il décide de le repasser, n’aura donc que deux nouvelles questions en histoire, et une en géographie.

Le Président ou la Présidente du concours doit chercher des questions larges et stimulantes qui permettent de former les futurs enseignants du lycée et du supérieur. Pour diversifier les questions et ne pas épuiser les préparateurs dans les universités, on assiste à une rotation des questions : lorsque l’on a eu de l’histoire grecque deux ans au programme d’histoire ancienne, on a souvent ensuite de l’histoire romaine ; pour l’histoire médiévale si on a une question portant sur le haut Moyen Age durant deux ans, les candidats se voient proposer une question sur le Moyen Age tardif ou central. Et on peut changer un peu d’aire de manière à pouvoir mobiliser différents spécialistes (interroger sur le Moyen Age byzantin, musulman, aller vers les sociétés du Nord-Ouest, interroger les circulations en Méditerranée moderne….).
Le président de l’agrégation doit sélectionner des universitaires spécialistes qui portent les questions et réfléchissent à leur faisabilité. Ces sujets peuvent concerner des problématiques de recherche actuelle mais aussi revenir à des fondamentaux. C’est le cas par exemple cette année avec deux questions sur les campagnes.

Justement, quels sont les sujets retenus cette année ?

En histoire ancienne, le sujet est « Gouverner un empire, de 284 à 410 de notre ère ». En histoire médiévale, « Église, société et pouvoir dans la chrétienté latine (910-1274) ». Cette question n’est pas au Capes mais est présente à l’agrégation. En histoire moderne, on trouve « Pouvoirs et sociétés rurales : France et ses colonies : 1634-1814 » et en histoire contemporaine « Vivre à la campagne en France, de 1815 aux années 1970 ». Avec la politisation des campagnes, cela préparera très bien les candidats à transmettre les programmes du secondaire. Cela fait longtemps qu’il n’y avait pas eu de sujet sur la ruralité alors que cela fait partie des « masses de granit » des études d’histoire, des sujets que doivent maîtriser tous les enseignants. Quant aux questions de géographie, elles porteront sur « les littoraux français » et « Environnements : approches géographiques ».

Ces sujets ne sont plus identiques à ceux du Capes. Qu’est-ce que cela engendre ?

Effectivement, le Capes s’est émancipé des questions d’agrégation depuis trois ans. Leurs questions ne sont pas toujours identiques, ce qui crée un problème, tant pour les étudiants que pour les universitaires chargés de préparer les candidats. Auparavant, on pouvait suivre des cours à l’université qui préparaient aux deux concours, tenter sa chance à l’agrégation d’histoire ou de géographie tout en assurant ses arrières avec le Capes. Ce n’est plus le cas. Dans les plus petites universités, préparer à la fois au Capes et à l’agrégation quand les questions diffèrent devient très compliqué : les candidats à l’agrégation sont peu nombreux, les moyens manquent et beaucoup d’universités ont mis en commun leurs énergies pour regrouper ou mutualiser leurs cours, nécessairement plus précis que ceux conçus pour le Capes. Pour les candidats comme pour les universitaires, espérons que certaines questions de l’agrégation externe puissent être reprises par le Capes, notamment pour celle d’histoire contemporaine sur les campagnes.

L’agrégation comporte une nouveauté cette année…


Oui, l’explication de document historique en histoire contemporaine pourra comporter des séquences audiovisuelles (4 à 7 mn avec synopsis indicatif à visionner pendant la préparation de l’épreuve, Ndlr). En revanche, les candidats ne pourront pas les projeter pendant leur oral. Ils pourront en tirer une image fixe pour leur Powerpoint de présentation et renvoyer à ce document. Il est logique que l’agrégation évolue avec son temps et que l’on puisse utiliser ce type de document, très travaillé par les historiens mais aussi régulièrement convoqué lors de nos cours, où nous insérons des extraits de discours, de journaux télévisés, de débats entre candidats à la fonction présidentielle.

Qu’attend le jury du candidat ?

On attend une bonne culture générale, des repères très solides, une utilisation du vocabulaire à bon escient et des idées claires. Le sujet doit être bien compris, analysé, interprété, comporter une problématique et un plan clair. Pour l’épreuve de leçon, il faut qu’elle soit bien structurée, illustrée avec des documents bien compris et judicieusement insérés dans la démonstration.

L’expression orale doit être fluide et aisée. Il faut être convaincant et intéressant comme les candidats le seraient dans leur classe.
L’épreuve de leçon d’histoire générale, dite de hors programme, demande beaucoup de méthodologie. Il faut être capable en six heures de tirer partie de la bibliothèque pour traiter n’importe quel sujet même si on ne l’a jamais travaillé. Cette épreuve oblige à l’efficacité et donne de solides habitudes de bibliographie quand on prépare des cours en tant qu’enseignant : quand il faut s’emparer de nouveaux programmes que nous n’avons jamais traités, il faut très vite repérer les ouvrages fondamentaux pour le sujet, les lire et les digérer pour construire un cours structuré et clair. C’est exactement le travail auquel prépare cette fameuse épreuve de hors-programme !

Quels conseils donneriez-vous pour bien s’y préparer ?

Il faut que les candidats apprennent à bien organiser leur temps, qu’ils prennent de solides habitudes de travail en bibliothèque après leurs cours. Je recommanderais volontiers aux agrégatifs de ne pas multiplier les manuels : un pour chaque question, cela peut suffire. Il faut les lire assez tôt pour avoir de bonnes bases – être capable de composer sur n’importe quel sujet – puis il faut prendre connaissance des études majeures sur la question et des articles spécialisés que les candidats pourront citer dans leurs copies.

Pour l’épreuve de leçon à l’oral, il faut se tenir au courant de l’actualité historiographique, s’entraîner beaucoup en bibliothèque et bien maîtriser les différentes grandes collections de manuels de 1er cycle. Ils permettent de construire rapidement un plan avant d’aller chercher de la documentation dans des ouvrages plus spécialisés. Les dictionnaires historiques peuvent également rendre de grands services car leurs notices, qui s’étendent sur quelques pages, sont toujours rédigées par des spécialistes du sujet. Si ces notices ne suffisent pas au candidat, elles lui permettent de définir son sujet, d’en comprendre les contours, de ne pas oublier un pan du sujet ; il en va de même pour les manuels de 1er cycle. Les candidats doivent donc se livrer, en bibliothèque, à un bon repérage préalable des grandes collections.

Beaucoup de concours sont confrontés à une baisse de candidats. Comment se porte le concours de l’agrégation ?

Il y a eu un peu moins de candidats dernièrement car certains ont dû choisir entre le Capes et l’agrégation, ce que nous trouvons, du côté du jury ou des préparateurs, très injuste. Quand on a besoin de travailler et de se nourrir, pour gagner sa vie, on tente plus volontiers le Capes pour multiplier ses chances d’avoir un travail l’année suivante. Socialement, c’est pénalisant car ceux qui le peuvent tentent l’agrégation et se disent qu’ils pourront le retenter s’ils le ratent alors que les autres n’ont guère cette possibilité. Cela dit, nous restons un concours avec beaucoup de candidats et l’agrégation d’histoire reste sélective. Les étudiantes et étudiants qui obtiennent l’agrégation d’histoire s’avèrent solides et continuent généralement des recherches en thèse. L’an dernier, il y a eu un peu plus de postes et c’est une bonne chose car nos candidats sont valeureux et méritent de décrocher en plus grand nombre leur concours !