Le micro-lycée de Talence, en Gironde, fêtera ses dix ans à la rentrée prochaine. L’établissement a vu le jour à l’initiative d’enseignants du lycée Victor Louis en partenariat avec la mission de lutte contre le décrochage scolaire (MLDS) et l’inspection académique. L’objectif ? Avoir des classes spécifiques pour aider les jeunes désireux de raccrocher scolairement.
Un recrutement en plusieurs étapes
Pour être recrutés, les candidats doivent être âgés de 17 à 25 ans et être en décrochage scolaire depuis au moins six mois. « Ce laps de temps leur a permis de mesurer ce que ça représente de ne plus aller à l’école parce qu’ils étaient en soins d’aide psychologique, en mission locale, en service civique ou au travail. Ils ont avancé personnellement, se reconnaissent décrocheurs et choisissent de revenir », souligne Laurence Tessier, la coordinatrice du micro-lycée de Talence.
Les candidatures sont effectuées auprès des centres d’information et d’orientation avec lesquels la structure est en lien. Le conseiller psychologue d’orientation aide à réaliser le dossier. Place ensuite à un entretien bienveillant de présentation et de motivation entre le jeune et l’équipe du micro-lycée. Dernière étape : un test de positionnement avec des exercices de niveau Seconde. En cas de pathologie, le micro-lycée demande que l’élève soit accompagné psychologiquement. Les jeunes peuvent en effet souffrir d’autisme, avoir un TDAH, des phobies scolaires suite à du harcèlement, avoir été agressés sexuellement, avoir vécu une détresse familiale et/ou sociale…
Par ailleurs, le micro-lycée étant une petite structure, il prépare au bac STMG spécificité mercatique et au bac général mais avec des spécialités imposées (Sciences Économiques et Sociales ; Humanités, Littérature et Philosophie ; Langues Littératures et Cultures Étrangères anglais en 1ère). Un jeune très scientifique doit donc accepter d’intégrer ce parcours plutôt littéraire pour y suivre sa scolarité.
Un faible effectif
Le micro-lycée dépend administrativement du lycée Victor Louis et 25 professeurs de celui-ci y enseignent également. L’établissement dispose de quatre classes, deux salles de repos et des sanitaires. Les classes ne doivent pas excéder 15 élèves. Un chiffre difficile à atteindre. L’établissement est plutôt sur une base de 35 élèves au total et ne peut pas accepter de nouvelles candidatures en cours d’année en raison du contrôle continu et de la cohésion déjà établie dans les classes.
En plus de la coordinatrice, le micro-lycée compte un coordinateur pour la filière générale, un pour la filière STMG et depuis la rentrée un professeur principal pour chacune des quatre classes. « Malgré ce faible effectif, on est obligés d’être nombreux car on doit toujours être en veille. Nos lycéens ont besoin de temps, de disponibilités, d’échange de paroles », déclare Laurence Tessier.
Une approche en douceur
La pédagogie y est adaptée et différenciée. Les cours débutent à 9h, jamais à 8h, car « certains élèves sont depuis six mois dans leur lit et sont déphasés au niveau du sommeil », confie la coordinatrice. Il n’y a pas cours le mercredi après-midi et l’emploi du temps est allégé grâce à des heures de co-enseignement. Les lycéens peuvent par exemple avoir cours de SES en espagnol avec leurs deux professeurs réunis sur une même heure.
L’approche dans le micro-lycée diffère aussi. Ici, l’élève en retard n’est pas pénalisé. Il n’y a d’ailleurs pas de vie scolaire ni de CPE. Si un élève est absent, la coordinatrice l’appelle et discute avec pour savoir ce qui se passe. Les élèves ont également le droit de s’absenter de cours pour aller en salle de repos où il y a un espace de parole.
Des actions pour favoriser la bienveillance et l’inclusion
Diverses actions sont mises en œuvre pour faciliter l’intégration et la réussite des jeunes. La rentrée des 1ère se fait ainsi sur trois jours. De quoi apprendre le fonctionnement de Pronote, comment organiser son classeur… Il y a aussi des jeux de cohésion, des jeux de rôles… « Cette année, on a organisé un concours photos avec quatre tableaux à illustrer : je suis à la piscine, je suis en discothèque, je joue aux jeux vidéo chez moi, je suis à la plage. Par groupe de quatre, les jeunes devaient imaginer une scène avec une image fixe. Pour des élèves qui ont du mal à aller vers les autres, qui ont des complexes, c’était un beau défi », estime Laurence Tessier. Un autre jeu consistait à choisir une image d’un jeu de rôle pour parler de soi. Un élève a sélectionné la carte représentant un crapaud portant une couronne. « Il a dit : c’est moi avec ma deuxième chance ici », se souvient la coordinatrice.
Il y a également deux grandes journées dédiées à la cohésion où les classes sont réunies et font une sortie, un repas en commun, assistent à un concert, un spectacle… « On cible les intervenants. Ils doivent avoir un parcours qui permet aux jeunes de s’identifier et se projeter », ajoute Laurence Tessier. L’année est ponctuée d’autres rendez-vous comme le café philo où les jeunes volontaires discutent d’un thème, le café-ciné où ils échangent sur un film, des ateliers artistiques… « On a fait de l’origami. Quelle surprise de voir que c’étaient les garçons qui semblaient les plus brusques qui avaient fait les plus beaux pliages ! Ils prenaient même du papier pour continuer chez eux », se rappelle la coordinatrice.
Le micro-lycée a également noué un partenariat avec la région. Des étudiants inscrits sur la plateforme d’aide aux devoirs viennent aider les élèves sur la pause méridienne à réviser ou s’organiser. Visiblement, les lycéens se plaisent dans l’établissement puisqu’ils y restent pendant l’heure du déjeuner, quand ils n’ont pas cours…
Des résultats encourageants
Pour autant intégrer un micro-lycée ne signifie pas que tout est gagné d’avance. Entre septembre et janvier, le micro-lycée de Talence perd généralement 30 % de ses élèves. « Certains se croyaient prêts à reprendre leur scolarité et ne le sont pas. D’autres arrêtent les cours pour prioriser leur santé mentale, ou ne s’en sortent pas financièrement et doivent travailler, d’autres partent à l’étranger », remarque Laurence Tessier. Mais les lycéens qui se présentent au bac, l’obtiennent tous. « Ça veut dire qu’ils ont raccroché. C’est encourageant et on en est fiers », ajoute la coordinatrice.
Après le Bac STMG, les trois quarts des élèves continuent en BTS commerce ou NDRC. Après un Bac général, 30 à 40 % vont à l’université en psychologie, sociologie, histoire ou philosophie. Certains vont en école privée pour étudier le cinéma, l’audiovisuel, l’art-thérapie…
Parfois, des jeunes bacheliers reviennent au micro-lycée pour prendre des nouvelles. « Ils ont une petite nostalgie et ont besoin de maintenir un peu ce lien. Ils viennent boire un café, partager certains moments forts de l’année. En septembre, ce n’était pas prévu mais six anciens sont venus d’eux-mêmes pour témoigner », se réjouit Laurence Tessier. Une manière de passer le flambeau et de montrer que tout reste possible.
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