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Le burn-out n’existe pas qu’en milieu professionnel : il peut aussi toucher les élèves. Interview de Flora Moreau, psychologue de l’Éducation Nationale, sur le burn-out scolaire. Image : Getty

À l’occasion de la Journée mondiale de la santé mentale, célébrée le 10 octobre 2024, le ministère de l’Éducation nationale a publié des chiffres préoccupants concernant la santé mentale des jeunes en France. Selon ce rapport, 13 % des enfants de 6 à 11 ans présentent un trouble probable de santé mentale. La situation est encore plus alarmante chez les adolescents, avec 24 % des lycéens ayant rapporté des pensées suicidaires au cours des 12 derniers mois.

Un nouveau syndrome, le burn-out scolaire, commence également à faire parler de lui. Selon les recherches de la psychologue Aline Vansoeterstede, 15 % des adolescents seraient concernés. Entretien avec Flora Moreau, psychologue de l’Éducation Nationale, pour décrypter ce phénomène encore méconnu.

Le burn-out scolaire est-il un phénomène déjà bien établi dans le milieu scolaire ?

Concernant la santé mentale, le sujet est effectivement bien d’actualité et les esprits sont de plus en plus sensibilisés. Mais en ce qui concerne le burn-out scolaire, on en est encore au début de la reconnaissance de ce phénomène. Le terme « burn-out » est surtout connu dans le monde du travail, et depuis quelques années, il s’est étendu à d’autres sphères, comme le sport de haut niveau, le militantisme ou encore les aidants de proches malades ou en situation de handicap. Il est important de noter qu’il n’est pas reconnu comme une pathologie et ce n’est d’ailleurs pas le cas non plus  du burn-out professionnel car il est lié au travail. Cela dit, certains éléments peuvent nous indiquer qu’un élève est en détresse, en situation de burn-out et que sa santé mentale est impactée.

Comment peut-on définir précisément le burn-out scolaire chez les jeunes ?

Le burn-out, quel que soit le domaine, comporte trois dimensions essentielles. La première, c’est l’épuisement physique et psychique, qui résulte d’une exposition prolongée à un stress chronique et répétitif. La deuxième dimension est une forme de distanciation émotionnelle par rapport à l’activité ou, dans le cas des jeunes, par rapport à leur scolarité ; cela peut mener jusqu’à une certaine indifférence. Enfin, il y a un sentiment de non-accomplissement, un manque de satisfaction et d’épanouissement dans leurs activités, en l’occurrence, leur parcours scolaire.

Chez les adolescents, l’école est souvent la première source de stress chronique, bien avant d’autres événements de vie ponctuels. Les dernières études montrent qu’un élève sur trois dans le secondaire ressent un niveau de stress important. De plus, Aline Vansoeterstede, une collègue psychologue et chercheuse à l’Université Paris Cité, a estimé qu’environ 15 % des lycéens ressentent un burn-out scolaire, et ce chiffre est particulièrement élevé chez les élèves de la voie générale. On observe également que le burn-out scolaire est davantage perçu chez les lycéens que chez les collégiens, en partie en raison des attentes académiques plus élevées.

Le burn-out scolaire peut être perçu comme une sorte d’antichambre de la dépression. Comme pour tous les types de burn-out, c’est un épuisement réel qui nécessite de l’écoute et de la prise en charge avant que la situation ne s’aggrave. Lorsqu’on identifie des signes de souffrance chez un élève, que ce soit en milieu scolaire ou familial, il est crucial d’intervenir pour briser ce cercle vicieux et éviter des conséquences plus graves.

Y a-t-il des profils d’élèves plus vulnérables que d’autres au burn-out scolaire ?

Les études montrent que les élèves ayant une prédisposition à l’anxiété sont plus vulnérables au burn-out scolaire. Les jeunes filles sont également plus exposées, en particulier à l’adolescence, puisqu’elles ont statistiquement quatre fois plus de risque de développer une dépression que leurs homologues masculins. Cela n’a rien de génétique, c’est souvent lié à des pressions culturelles. Par exemple, on constate que dans certaines familles, l’investissement parental est souvent orienté vers le succès scolaire des filles, tandis que pour les garçons, il peut être dirigé vers des activités extra-scolaires comme le sport. Dans les familles monoparentales, particulièrement où la mère a occupé des emplois précaires ou a vécu des difficultés économiques, les filles peuvent ressentir une pression supplémentaire pour réussir scolairement et éviter les mêmes difficultés.

On observe également que des traits de personnalité comme une estime de soi fragile ou un perfectionnisme excessif augmentent le risque de burn-out. Il ne s’agit pas de perfectionnisme sain, qui pousse à donner le meilleur de soi, mais d’un perfectionnisme basé sur la comparaison avec les autres, souvent dans un contexte de compétition scolaire. Il est important de comprendre que le burn-out scolaire résulte d’un ensemble de facteurs et que les pressions scolaires, familiales et culturelles s’entrecroisent souvent.

Quelles mesures de prévention sont mises en place pour lutter contre le burn-out scolaire ?

Le point central de la prévention, c’est la détection précoce des signes de souffrance psychologique. Le protocole de santé mentale, en cours de déploiement, a pour objectif de former le personnel scolaire au repérage et à l’intervention. Dans chaque établissement, un ou deux référents en santé mentale pourront accueillir les premières manifestations de souffrance chez les élèves. Cela permettra de mettre en place une prise en charge rapide pour éviter que la situation ne s’aggrave en dépression.

Un autre levier essentiel de prévention consiste à travailler sur les représentations de la réussite scolaire. Il est important d’aider les jeunes à prendre du recul face à la pression scolaire et de leur faire comprendre qu’il est possible de trouver des chemins variés vers la réussite. Ce travail peut se faire dès le collège, en abordant des thèmes comme la gestion du temps, l’équilibre entre les études et les loisirs, et l’importance d’une bonne hygiène de vie. Les pauses, les moments de loisir, et l’organisation du travail sont des facteurs importants pour éviter l’épuisement.

Comment les enseignants et les parents peuvent-ils intervenir lorsqu’ils constatent des signes de burn-out ?

La première chose est d’en parler avec le référent santé mentale de l’établissement, si celui-ci a bénéficié de la formation. Dans chaque établissement, il y a également trois professionnels de l’écoute : le psychologue de l’Éducation nationale, l’infirmier ou l’infirmière, et l’assistante sociale. Ce sont des ressources précieuses pour accompagner les élèves en difficulté.

Pour les enseignants, il est essentiel de faire attention au climat scolaire qu’ils instaurent. Ils doivent être conscients de la pression qu’ils peuvent transmettre, même involontairement, et mettre en place un soutien bienveillant. Les enseignants sont souvent les mieux placés pour repérer rapidement les signes de détresse et sont donc un maillon clé dans la prévention. Quant aux parents, leur rôle est de soutenir leurs enfants et de relativiser leurs attentes académiques. Créer un environnement où l’élève se sent compris, soutenu et entouré est fondamental pour prévenir le burn-out. En somme, il vaut mieux prévenir que guérir, et il est toujours préférable de consulter les personnes ressources dès que des signes de souffrance apparaissent.