Quelles sont les spécificités du système éducatif polynésien par rapport au système métropolitain ?
En Polynésie française, le Pays et l’État œuvrent ensemble pour atteindre un objectif commun et prioritaire : la réussite des élèves.
Par son statut d’autonomie, la Polynésie française est compétente en matière d’éducation. Elle est responsable de l’organisation et du fonctionnement de l’enseignement scolaire des 1ers et 2ds degrés et de l’enseignement supérieur implanté dans les lycées sur l’ensemble de son territoire. Le Pays choisit de mettre en œuvre les programmes arrêtés par le ministère de l’Éducation nationale et conformément à sa compétence générale, elle peut apporter des adaptations.
En Polynésie, nous disposons de programmes adaptés qui tiennent compte de l’écosystème local et qui intègrent le contexte culturel, historique et géographique du Pays. Concrètement et à titre d’exemple dans le premier degré, le volume horaire dédié aux langues régionales et étrangères dans la perspective d’un enseignement plurilingue est de 4h / hebdomadaire : 3h pour l’enseignement des langues et la culture polynésiennes et 1h pour l’anglais. Dans les programmes nationaux, le volume horaire dédié par semaine et de 1h30 pour les langues étrangères et régionales.
Quels sont les principaux défis auxquels est confronté le système éducatif polynésien ?
La Polynésie est vaste comme l’Europe. L’étendue du territoire, son contexte archipélagique et les problèmes de communication concourent à l’isolement des professionnels de l’éducation, notamment ceux des écoles et des établissements scolaires répartis dans les îles des archipels éloignés de l’île principale Tahiti et reliés entre elles par avion, mais surtout par bateau. C’est pour ces raisons que de nombreux élèves des archipels sont obligés, pour poursuivre leurs études, de quitter leur île et d’intégrer l’internat ou une famille d’accueil, parfois dès l’école primaire, très souvent au moment de l’entrée au collège puis du lycée. Rompre l’isolement et réduire les ruptures socioaffectives ne sont pas simple. Fluidifier le parcours scolaire des élèves et leur offrir une carte de formations adaptées à l’écosystème local et qui réponde aux aspirations de nos élèves constituent donc des objectifs prioritaires.
L’immensité du territoire et la mobilité des élèves confèrent à l’internat une place prépondérante dans notre système éducatif, l’accueil de nos élèves en internat reste un élément déterminant qui participe à la réussite scolaire. Il n’est pas facile, pour les familles des archipels éloignés, de trouver des familles d’accueil ou des correspondants sur l’île où est implanté le collège ou le lycée, notamment sur Tahiti. Il faut savoir qu’en Polynésie, les élèves des îles quittent leur famille et leur île d’origine au terme du CM2 pour rejoindre le collège sur une autre île. C’est une rupture difficile, tant pour les élèves que pour leurs parents.
Offrir une éducation et un enseignement de qualité à nos élèves passe aussi par la formation des personnels enseignants et non enseignants. Sur un territoire complexe comme le nôtre, la formation continue est un réel défi.
Les défis sont nombreux et il nous faut repenser notre École de manière globale avec les acteurs du terrain, les partenaires de l’école et les familles et cela prend du temps, beaucoup de temps.
Quels sont les grands chantiers sur lesquels travaille actuellement votre ministère ?
Dans le domaine des ressources humaines, le ministère à la volonté de faire monter en compétence ses agents au moyen de la formation continue et de favoriser “l’océanisation” des cadres en organisant des sessions de préparations aux concours de l’Éducation nationale et en gardant nos lauréats aux concours sur le territoire pour leur stage dans un premier temps, puis dans nos structures. Nous travaillons à développer l’école plurilingue et à mettre en place des écoles plus immersives, à améliorer la formation continue des enseignants, à adapter les programmes scolaires, à mettre en place un parcours d’éducation artistique et culturelle contextualisée de la maternelle au lycée, à repenser le calendrier scolaire, à rénover ou construire des bâtiments scolaires, à mettre en place le campus des qualifications et des métiers (CMQ) MER et après avoir mis en application les nouveaux rythmes scolaires à la rentrée d’août 2024, nous nous attachons à mettre en œuvre les nouvelles obligations règlementaires de service (ORS) des enseignants.
Néanmoins, je souhaite penser ou repenser ces chantiers dans une vision systémique plus large et qui visent, in fine, la réussite de nos élèves. Cette vision passe, à mon sens, dans la construction d’une nouvelle charte de l’éducation pour bâtir une École qui ressemble aux Polynésiens et qui les rassemble. C’est là mon grand chantier.
La Charte de l’éducation actuelle fixe les orientations prioritaires de la politique éducative du Pays et je pense que ces orientations doivent être plus lisibles et plus compréhensibles par nos élèves, nos familles, nos partenaires et par la société tout entières.
Pour construire cette nouvelle charte de l’éducation, dont les travaux ont été lancés dès le mois d’octobre 2024, j’ai opté pour une démarche consultative. C’est avec les élèves, les familles et toute la communauté éducative que j’ai choisi d’écrire cette nouvelle charte. C’est un chantier de grande envergure qui va nécessiter du temps et de l’information pour que tout le monde se sente impliqué.
Quels sont les sujets de travail communs entre le ministère de l’Éducation polynésien et le ministère de l’Éducation métropolitain ?
Nos deux ministères sont historiquement liés et nous entretenons des relations constructives au bénéfice de nos élèves, nous travaillons en commun sur plusieurs sujets qui ont pour finalité l’amélioration du système éducatif polynésien pour favoriser la réussite de tous les élèves.
Sur l’ensemble des dossiers que nous avons en commun, je pourrais citer en particulier celui lié à la mise en place des nouveaux rythmes scolaires dans le premier degré et qui concerne les obligations de services (ORS) des enseignants. Notre ministère a proposé une adaptation du décret de 2008 qui donnerait une plus grande autonomie aux équipes enseignantes dans la répartition des 108 heures consacrées à la formation continue, aux différentes réunions et à la prise en charge d’élèves.
Un autre dossier d’importance pour notre Pays et mon ministère, il concerne la formation dans le domaine des activités en lien avec l’océan, il s’agit du campus des qualifications et des métiers de la mer (CMQ) que nous souhaitons pouvoir lancer dans les prochains mois. Ce dernier campus vient en complément du campus des métiers et des qualifications de l’hôtellerie et de la restauration du Pacifique déjà en activité depuis un an et demi.
Un autre dossier important pour faire évoluer notre système éducatif et qui nécessite la participation de l’État, il s’agit de la Charte de l’éducation qui doit être réécrite et qui fera l’objet, durant l’année scolaire 2024-2025, d’une large consultation des acteurs de l’éducation et des usagers de l’École. Les travaux de réécriture de la nouvelle charte reposent sur le paradigme suivant : réconcilier le jeune polynésien avec sa culture, son identité, sa langue, son histoire et son environnement. L’élève doit se reconnaître dans son École, pour entrer dans les apprentissages, pour s’investir dans sa scolarité, pour poursuivre ses études et développer son ambition et l’excellence scolaire. L’École lui permettant in fine de s’ouvrir à l’altérité et à l’universalité.
Un dernier dossier d’importance pour notre ministère et le gouvernement polynésien concerne la gouvernance de son système éducatif et la volonté du Pays d’engager rapidement des discussions dans le cadre de la nouvelle convention décennale entre l’État et le Pays qui permettra de préciser nos relations en matière d’éducation.
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