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Ce 13 février a eu lieu à Dubaï l’élection finale du Global Teacher Prize 2025. Céline Haller était en lice parmi les 10 finalistes, avec ses « Petits-déjeuners à l’école ».
Comment est né le dispositif “Petit-déjeuner à l’école” ?
Cette idée est partie d’une leçon de sciences sur l’équilibre alimentaire, au cours de laquelle je me suis rendue compte que beaucoup de mes élèves ne déjeunaient pas le matin. On a alors organisé un petit déjeuner en classe, avec un protocole expérimental pour observer ce qui se passe dans le corps quand on prend un petit déjeuner (capacité de travail, bien-être, etc).
Rapidement, je me suis rendue compte qu’il y avait des effets bénéfiques. J’avais prévu d’organiser ces petits déjeuners pendant un mois, mais j’ai observé un vrai changement dans l’ambiance de classe, dans le comportement des enfants, et dans leur intérêt et leur apprentissage. J’ai aussi vu qu’on pouvait raccrocher ce dispositif à plusieurs disciplines comme les mathématiques ou la géographie. J’ai donc décidé de développer le projet.
En 2019, le dispositif est entré dans le plan pauvreté du gouvernement et il est donc aujourd’hui financé entièrement.
Comment ça se passe concrètement ?
On organise ces petits déjeuners deux fois par semaine sur l’année. D’abord, les élèves composent les menus. J’ai travaillé au préalable avec des nutritionnistes, et nous faisons en sorte qu’il y ait toujours un produit céréalier, un produit laitier, un fruit ou légume. Ils doivent aussi faire attention à choisir des fruits de saison, regarder les nutriscores… On peut choisir de faire un petit déjeuner salé ou sucré, et on essaie d’alterner entre les deux. On vérifie ensemble si c’est équilibré, et les élèves passent commande sur un drive. On est ensuite livrés à l’école, et ils préparent des paniers repas pour les autres classes.
Dans ma classe, ils mettent la table et préparent le petit déjeuner, qu’on partage ensuite ensemble.
Vous aviez déjà expérimenté la pédagogie de projet ?
Pendant mes études, j’ai effectué un stage long au Canada, où ils utilisent beaucoup la pédagogie de projet. J’ai beaucoup aimé ça, et quand j’ai commencé à enseigner en France, je ne me suis pas vraiment retrouvée dans la manière d’enseigner, avec cette organisation où le professeur fait face aux élèves. Je cherchais un vecteur pour réussir à enseigner efficacement. Quand j’ai organisé ce petit déjeuner et que j’ai vu les bienfaits qu’il pouvait avoir, je me suis dit que je devais suivre cette voie. Au fil des années, plusieurs écoles ont rejoint le dispositif, et de mon côté je l’ai développé en le rattachant à différents apprentissages.
Comment en avez-vous fait un outil d’apprentissage ?
Le petit déjeuner à l’école peut être utilisé pour développer de nombreux savoirs fondamentaux chez les élèves. On peut travailler les mathématiques (notamment les fractions) en faisant des recettes, en calculant le budget du petit déjeuner, en faisant la liste des courses…
On peut aussi étudier la géographie, en regardant d’où viennent les aliments, quel chemin ils ont parcouru, quelle est leur empreinte carbone, quels fruits viennent des départements d’outre-mer français… Cette approche permet de rendre concrets des savoirs qui d’habitude peuvent paraître très abstraits aux enfants.
L’organisation que le petit déjeuner demande aux élèves est aussi l’occasion de travailler les compétences psychosociales. Le petit déjeuner est un moment personnel voire intime, où se jouent le développement du courage (goûter un aliment que l’on ne connaît ou n’aime pas), de l’autonomie, de la coopération, de l’organisation… Toutes ces compétences figurent au programme, mais on ne sait pas toujours comment les enseigner. Ce genre de dispositif permet de verbaliser et mettre l’accent sur ces savoirs : car ils s’apprennent.
Il s’agit enfin d’enseigner aux élèves à devenir des consommateurs avertis, d’être initiés aux questions du développement durable ou de la santé et de développer leur esprit critique. Je trouve que c’est aussi un moyen de dédramatiser les enjeux autour de l’alimentation : les enfants peuvent être assez angoissés par les injonctions à ne pas manger trop gras, trop sucré… L’important est qu’ils apprennent à faire des choix en conscience, en analysant, en comprenant et en acceptant les choses. L’idée est aussi qu’ils continuent cette démarche à la maison.
Comment avez-vous étendu ce dispositif à d’autres écoles ?
J’ai beaucoup communiqué, sur les réseaux sociaux, auprès de mes collègues… J’ai aussi publié des livres sur ce sujet, notamment Tu viens petit-déjeuner, maîtresse ? et Mettre en place un petit déjeuner pédagogique chez Hachette.
C’est aussi beaucoup de bouche-à-oreille. Une fois que le projet a intégré le plan pauvreté, ça a ouvert des portes. J’ai rencontré de nombreuses équipes enseignantes à travers la France qui étaient intéressées pour se lancer dans le dispositif.
Pourquoi avoir participé au Global Teacher Prize ?
J’avais vu le parcours de Nicolas Gaube, finaliste de l’édition 2023, et ça m’avait beaucoup inspirée. Je ne connaissais pas ce prix, et je me suis dit qu’il permettait de valoriser le travail que l’on fait, de partager nos innovations pédagogiques et notre vision de l’enseignement.
J’ai attendu quelques années que mon projet soit bien installé, et je me suis lancée.
Avez-vous un message à faire passer à la communauté éducative ?
Non, ce serait vraiment présomptueux de ma part. Je pense que dans notre pays, il y a tellement d’initiatives chez les enseignants, de pédagogies différentes… Je ne suis pas là pour imposer une manière de faire : c’est un métier très libre, et très riche.
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