Audrey Rouzée, formatrice à Réseau Canopé, nous explique en quoi consiste l’auto-formation « Climat de classe et sentiment d’efficacité de l’enseignant ». Image : Getty

Qu’est-ce qui vous a amené à proposer cette auto-formation ?

La question revient régulièrement et reste une préoccupation majeure pour les enseignants. Une enquête TALIS (Teaching and Learning International Survey, enquête internationale sur l’enseignement et l’apprentissage, Ndlr), menée par l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Économiques, Ndlr) en 2018, confirmait que 35 % des professeurs rencontraient des problèmes de discipline, 50 % des enseignants Français estimaient avoir des lacunes en pédagogie et seulement 55 % d’entre eux avaient reçu une formation sur la gestion de classe. Il y a un besoin réel de formation continue sur cette thématique, d’où la proposition de cette auto-formation.

Qu’entendez-vous par « climat de classe » ?

Nous avons constaté qu’il existait beaucoup de ressources sur le climat scolaire mais moins sur le climat de classe. Celui-ci repose à la fois sur les relations établies entre les élèves au sein de la classe mais aussi entre les élèves et leur enseignant. Nous avons défini le climat de classe comme l’environnement social dans lequel l’élève évolue au niveau de la classe.

En quoi ce climat influe-t-il sur les apprentissages ?

Les recherches que nous avons menées ont montré qu’un climat de classe serein avait un impact significatif sur les apprentissages des élèves. Travailler dans un environnement comme celui-là permet de prévenir des conflits, de créer une atmosphère de cohésion et de collaboration. Les élèves sont plus enclins à travailler ensemble, à exprimer leur point de vue, et cela développe leur motivation et leur donne envie d’apprendre. Nous aurons plus de facilités à capter l’attention mais aussi à jouer sur les modalités de travail (individuellement, en binôme, en groupe).

Quels gestes et postures l’enseignant peut-il adopter pour créer un climat positif ?

Dans cette partie du magistère, nous nous sommes appuyés sur les travaux de recherche de Dominique Bucheton (professeure honoraire à l’Université de Montpellier, Ndlr). Elle identifie différentes postures (de l’enseignement, du magicien, du lâcher-prise, de contre-étayage, d’accompagnement, de contrôle). En fonction de la posture prise par l’enseignant, celle-ci impacte celle des élèves. Si l’enseignant a plutôt une posture de contrôle, les élèves vont fonctionner de manière synchrone. C’est pertinent pour capter l’attention de toute la classe pour passer une consigne, pour revenir sur une notion particulière, pour donner les devoirs… S’il adopte la posture du lâcher-prise, les élèves seront davantage en autonomie et se géreront seuls. L’enseignant peut jouer avec ces différentes postures, les adapter en fonction de ses attentes et ses besoins du moment. Il n’y a pas une bonne posture à avoir, ça dépend de la situation. C’est un ajustement réciproque entre l’enseignant et les élèves.

Vous abordez également le principe d’autorité éducative, de quoi s’agit-il ?

C’est un concept développé par Bruno Robbes, enseignant en sciences de l’éducation. L’autorité éducative comporte plusieurs éléments clés qui nous semblaient intéressants pour ce climat de classe. Il y a par exemple une symétrie dans la relation : l’enseignant s’exprime mais les élèves ont le droit de répondre. Il y a un impact de l’enseignant sur les élèves et inversement. Ce type d’autorité permet de créer des relations entre les élèves contrairement à l’autorité autoritariste qui répond plus à un cliché de « chef » qui cadre tout. Là, les élèves ont la place pour du travail de groupe. Enfin, l’autorité éducative favorise la reconnaissance de la légitimité. L’enseignant est reconnu par les élèves parce qu’ils le respectent et parfois même l’admirent pour ses connaissances et ses compétences. C’est un levier de cette relation éducative propice aux apprentissages.

Vous donnez des clés pour gérer les bruits de fond. Pouvez-vous en partager une ou deux ici ?

Oui. On a parfois tendance, en tant qu’enseignant, surtout quand on débute dans le métier, à vouloir parler plus fort pour couvrir le bruit. Le premier conseil, c’est de moduler sa voix, de jouer avec elle et de ne pas hésiter à parler moins fort, à chuchoter. On le voit souvent en maternelle mais ça fonctionne aussi avec un public plus âgé. Nous avons également testé et constaté l’efficacité de l’utilisation d’un sonomètre. Ça peut être un appareil ou une version gratuite en ligne projetée au tableau (classroomscreen ; bouncyballs…) pour visualiser le volume sonore. Pour les plus petits, on peut utiliser des feux tricolores imprimés sur une feuille et on place un aimant en face du feu adapté. Le feu rouge veut dire que l’on va passer une consigne et qu’il ne faut pas de bruit. Le feu orange peut être utilisé au moment de sortir les affaires du cartable, s’il y a un peu plus de bruit ce n’est pas gênant. Et le feu vert convient pour un travail de groupe où l’on peut discuter avec son voisin par exemple. C’est explicite et cela convient aussi très bien aux classes à double niveau.

La parole de l’enseignant est une autre activité proposée. Comment doit-elle être ?

En observant les classes, on a remarqué que la parole entre les enseignants et les élèves était inégalement répartie encore plus quand on est stressé, qu’on manque d’autorité. En prendre conscience peut permettre de réajuster ses pratiques et de laisser davantage de place aux élèves qui parviennent souvent très bien à se réguler entre eux. On a remarqué que les apprentissages étaient souvent meilleurs quand l’enseignant se mettait un peu en retrait. Les élèves ont aussi besoin de temps de silence pour réfléchir. Le flot d’explications peut les noyer et agiter la classe. Or on vérifie mieux que les élèves sont en processus d’apprentissage quand on vérifie qu’ils sont capables de verbaliser et de reformuler ce qu’on leur a dit. C’est donc intéressant pour le climat de classe et les apprentissages.

Quels conseils donneriez-vous pour éviter et régler les conflits ?

Plusieurs choses peuvent être proposées. Il ne faut pas hésiter à établir des règles de classe avec les élèves. Poser un cadre clair et identique pour tout le monde. Ce n’est pas quelque chose qui leur est imposé puisqu’ils ont participé à son élaboration. Un autre conseil, c’est de proposer des temps d’échange et de discussion réguliers afin qu’ils puissent exprimer leurs préoccupations. Ça développe la communication, la compréhension mutuelle et permet d’éviter les conflits car beaucoup naissent d’un malentendu. Là encore, la classe peut trouver des solutions de manière collective.

Accéder à l’auto-formation sur la plateforme M@gistère de Canopé