Ophélie Colin, professeure de SES, nous présente son jeu « Passe ton bac d’abord! », qui permet de réviser tous les bacs généraux, en s’amusant. Crédits photo : Les Bandits

Quel est votre parcours professionnel ?

J’ai d’abord travaillé dans l’univers du jeu de société, pour un distributeur de jeux et jouets. Ce métier me plaisait beaucoup mais manquait de sens et de valeurs à mes yeux. J’ai donc fait une reconversion professionnelle, repassé un Master et obtenu le Capes en 2017 pour devenir professeure de Sciences Économiques et Sociales.

Qu’est-ce qui vous a donné envie de créer ce jeu ?

Je me suis vite rendu compte du besoin énorme de rendre les choses ludiques au lycée pour tous les acteurs, que ce soit les élèves, les parents, les enseignants. J’ai mobilisé mon expérience précédente pour essayer d’être utile à mes élèves et par extension à tous les élèves. J’ai testé plein de choses avant de créer « Passe ton bac d’abord ! ». Mes élèves ont servi de cobayes pendant de nombreuses années ! Après avoir testé et fini par trouver la solution, j’ai développé mon jeu à plus grande échelle.

Quel en est le principe ?

C’est un jeu de plateau qui se joue de 1 à 6 joueurs. Il y a un mode solo et un mode multijoueurs. Le jeu répond à deux engagements très forts : une mécanique de jeu amusante avec de la stratégie, de la rapidité et en même temps un contenu très sérieux. Le contenu a été réalisé par quinze enseignants de l’Éducation nationale certifiés ou agrégés et de disciplines différentes. Le jeu est aussi 100 % conforme aux programmes. L’idée, c’est que ce soit un outil pédagogique tout en étant amusant.

Le jeu s’adresse aux lycéens. On peut y jouer dès la Seconde ?

C’est une surprise. Je n’avais pas pensé à ça mais il intéresse effectivement beaucoup les Secondes qui doivent choisir une spécialité sans vraiment savoir ce qu’il y a dedans. Là il y a tout le contenu des spécialités. Normalement, les Secondes n’arriveront pas à répondre à toutes les questions mais c’est une vraie découverte pour eux et ça leur permet d’affiner leur choix. Néanmoins, en terme de contenu, le jeu s’adresse beaucoup plus aux élèves de 1ère et de Terminale générale.

Quel est le but du jeu ?

Le gagnant est le premier joueur à arriver à 20 donc à avoir son bac avec les félicitations du jury. Le jeu se veut très bienveillant et valorise les joueurs. Quand on a 10, on a le bac, 12 mention assez bien etc. L’objectif c’est que les joueurs aient envie d’aller chercher la mention qui est au-dessus.

Comment y joue-t-on ?

Quand on joue, on mélange toutes les cartes « tronc commun » et « spécialités » et on en fait une pioche. Chacun son tour, on est lecteur. On tire une carte en annonçant la discipline. On lit les 5 questions qui figurent sur la carte, et chaque joueur estime le nombre de bonnes réponses qu’il pense pouvoir formuler. Le joueur qui dit le score le plus élevé prend la main et répond mais les autres peuvent intervenir. Le lecteur relit les questions et le joueur a 10 secondes pour y répondre. S’il avait annoncé pouvoir donner 4 bonnes réponses, il avance d’autant de cases sur le plateau. Mais s’il en formule moins de 4, alors il recule de 4 cases. Il faut donc prendre des risques pour avoir la main mais pas trop. Ce qui m’intéresse, c’est que tous les joueurs soient actifs au cours de la partie car le but c’est de se remémorer ses connaissances. Tous les autres joueurs peuvent donc intervenir une fois par carte en tapant sur la pioche et en disant « souffleur ». Ils peuvent alors proposer une autre réponse et, si elle est mieux formulée ou plus pertinente, ils volent un point au joueur interrogé. Il y a aussi une dimension de rapidité avec les cartes « Prems ». Elles portent sur le programme de primaire. Ce sont des bases rigolotes qu’on est sensés tous avoir mais qu’on a souvent un peu oubliées. Ça permet de gagner un point de manière dynamique.

Et si on n’a pas étudié la spécialité tirée au sort, comment fait-on ?

C’est une grande question qu’on s’est posée. On a arbitré en disant qu’on prenait toutes les disciplines qui intéressaient les joueurs autour de la table. Tout le monde s’y retrouvera à un moment ou à un autre. C’était la condition pour que tout le monde puisse jouer ensemble.

Il y a aussi le mode de jeu solo…

Oui. Dans le mode solo, on prend les cartes et on s’interroge. On doit avoir au moins deux bonnes réponses par discipline en moins de 30 mn, là on joue donc contre le chronomètre.

Les 2400 questions/réponses ont été conçues par une quinzaine de professeurs. Comment avez-vous travaillé ensemble ?

Je tenais à ce que ces enseignants ne soient pas des collègues car je voulais que ce jeu soit représentatif de tous les élèves au niveau national et pas juste de mon établissement Seine et Marnais. J’ai essayé de trouver des collègues répartis aux quatre coins de la France, de profils d’établissements différents. Par contre, c’était important d’harmoniser le contenu. J’ai donc rédigé une feuille de route qu’on a tous suivie avec par exemple la longueur des questions, l’emploi d’un verbe d’action, que tous les élèves aient vu ce point en cours… La rédaction des questions-réponses a pris entre six et huit mois.

En quoi ce jeu peut-il aider à passer le bac ?

Mon point de départ c’est la courbe de l’oubli, du scientifique allemand Hermann Ebbinghaus. Il a montré que l’être humain oublie progressivement tout ce qu’il apprend, plus de 90 % de ce qu’il a appris après un mois si ce n’est pas mobilisé. C’est vraiment ma difficulté en tant qu’enseignante, et c’est le cas pour beaucoup de confrères : les élèves oublient tout ce qu’on a fait précédemment. Sauf qu’on est sensé ancrer les connaissances et construire sur les connaissances précédentes. Donc le jeu a été élaboré pour que les élèves y jouent régulièrement. Plus ils vont y jouer, plus les réponses vont être ancrées et plus le bac sera facile.

Peut-on l’utiliser en classe pour préparer ses élèves ?

Oui, il a été conçu pour deux usages possibles : en classe et à la maison. Les parties sont calibrées pour durer un peu moins d’une heure. Le jeu sort cette semaine. J’ai beaucoup testé le prototype dans des CDI. Ma plus grande satisfaction, ça a été de voir des élèves avoir des fous rires sur des dates historiques ou des formules de maths, des choses qui ne les font pas beaucoup rire en général. Ils passaient un bon moment sans écran en plus. Je me suis dit que ça valait bien toutes les nuits passées dessus !

D’autres projets de jeu sont en cours. De quoi s’agit-il ?

Nous avons deux autres jeux en développement. Il y aura trois gammes : le lycée dont « Passe ton bac d’abord ! » est le point d’ancrage, le collège avec « Passe ton brevet d’abord ! » et une gamme transversale pour tout le secondaire concernant la méthodologie. L’idée c’est d’apprendre la méthodologie aux jeunes de manière ludique : apprendre à apprendre, apprendre à mémoriser, apprendre à faire une dissertation… tout ça par le jeu.
On aimerait sortir un jeu par an, celui sur le brevet devait sortir fin 2025.

Vous avez à cœur de produire ces jeux en ayant un faible impact sur l’environnement…

Oui j’essaye de faire les choses de manière éthique. Tous les jeux sont produits au sein de l’Union européenne, avec des matériaux durables, sans plastique. J’ai voulu faire les choses le plus proprement possible même si la marge n’est pas très élevée mais ce n’est pas le but.

Un message à la communauté éducative ?

Ce jeu se veut à destination de tous les élèves. On le commercialise au grand public et aux établissements. Si on laisse faire le marché, ce sont les familles favorisées qui vont l’utiliser. On tient vraiment à ce qu’il arrive dans les mains de tous pour combler les inégalités. On cherche à ce que les établissements le proposent à leurs élèves que ce soit en classe, au CDI ou en accès libre dans la maison des lycéens pour qu’il soit bénéfique à tous.

« Passe ton bac d’abord ! », 39,99€
En vente sur pedaboost.com