
Dans leur livre, « Le prof parfait n’existe pas » (Vuibert), Boualem Aznag et Stéphane Grulet, passent l’année scolaire en revue à travers des exemples et conseils concrets. Entretien avec Stéphane Grulet.
Comment est né l’idée de ce livre ?
Je suis professeur des écoles en CP-CE1 depuis une trentaine d’années et maître-formateur. J’interviens donc à l’INSPE et je vais voir les stagiaires en classe toutes les semaines depuis une douzaine d’années. Je trouvais que la littérature à disposition des jeunes enseignants était parfois dense en terme de quantité de textes. Les conseils y sont souvent délayés.
Avec Boualem, qui fut pendant de nombreuses années animateur d’un conseil municipal enfants, et qui travaille toujours aujourd’hui avec des publics enfants et jeunes, nous voulions proposer un livre où les conseils seraient donnés de manière beaucoup plus concise, presque injonctive, pour correspondre à une génération de stagiaires et d’étudiants qui a besoin d’informations extrêmement rapidement. L’idée, c’était de parcourir une année scolaire d’enseignant en classe, sans théoriser, mais de se concentrer sur les conseils pratiques, issus du terrain.
Comment vous êtes-vous répartis le travail ?
Nous sommes partis de nos valeurs et de ce qui nous intéresse quand on conduit des groupes d’enfants. Nous avons mis l’accent sur tout ce qui a trait à la citoyenneté, au vivre ensemble, aux débats philo. J’ai plutôt travaillé sur le concret en classe avec les élèves et Boualem sur la conduite de groupe : comment faire parler des élèves ? Comment organiser un débat ? Nous nous sommes beaucoup inspirés des pédagogies coopératives.
Dans la première partie intitulée « préparer son année scolaire », vous abordez la manière de gérer sa programmation. De quoi s’agit-il ?
La programmation récapitule toutes les compétences que l’on va aborder de septembre à juillet. L’un de mes premiers conseils, c’est de ne pas courir après le temps, d’être le plus zen possible. Si l’on cherche à terminer le programme, on s’impose une cadence infernale. Il faut aller au rythme des élèves. On ressent souvent une pression sociale et personnelle pour terminer le programme. Je ne suis d’ailleurs pas certain que les inspectrices et inspecteurs de l’Éducation nationale tiennent ce discours. Par exemple, en CE2, on serait tenté d’aborder une compétence comme la conjugaison de l’imparfait en deux ou trois semaines, alors qu’on sait très bien que cela prend beaucoup plus de temps, sans compter qu’il faut y revenir les années suivantes. Si on se dépêche, on perd les enfants et on les démobilise.
Comment composer son emploi du temps ?
L’emploi du temps ne doit surtout pas être un enchaînement de séances : finir une séance de conjugaison et enchaîner, sans respirer, avec une autre en mathématiques par exemple. Là aussi, on est sûr de perdre des élèves. Ce qui est important, c’est d’anticiper des moments de transition dans la journée, ou entre deux séances. Ça peut être simplement le fait de discuter avec les élèves de sujets divers, de l’actualité, de leur vie quotidienne. Conduire un groupe-classe, c’est donner du temps pour se connaître les uns les autres. L’enseignant n’est pas seulement quelqu’un qui dispense le savoir, ce n’est pas suffisant. Il faut mettre énormément d’humanité, s’intéresser aux élèves. Un enseignant peut aussi parler de lui, avec toujours beaucoup de pudeur et de discrétion. Par exemple, s’il pratique un sport, il peut aussi en parler avec ses élèves. Expliquer pourquoi il le pratique, puis généraliser sur l’intérêt d’une pratique sportive régulière.
Les séances doivent être courtes (30 à 45 mn) et extrêmement variées avec par exemple, une pédagogie explicite, c’est-à-dire très guidée, puis une récitation de poésie pendant 5 mn. Ensuite, on quitte la classe pour aller faire un peu de sport, puis on enchaîne avec une séance de recherche un peu plus interactive… Enseigner, c’est varier les méthodes, et ne pas adopter une pédagogie descendante toute la journée au risque de démobiliser les élèves.
Comment réussir sa première journée de classe ?
En cycle 2 et 3, je conseille de rassurer les élèves et de tout expliquer. Ils ont eu deux mois de vacances et ont un nouvel enseignant. Il ne faut pas considérer que la machine se remet en route en quelques minutes. Il faut expliquer les règles, poser le cadre etc. Il faut également être extrêmement exigeant, mais toujours avec un peu de sourire, d’humour et de bienveillance. Si un enfant prend la parole sans lever le doigt, on le lui fait remarquer avec beaucoup de gentillesse.
Pour le cycle 1, la première journée, l’objectif est d’installer des habitudes de travail, de se connaître, de parler etc. Une des priorités en maternelle est de soigner la relation avec les parents, de discuter au maximum avec eux pour connaître les élèves, de les rassurer aussi car ils sont parfois plus angoissés que les enfants.
Comment instaurer le calme dans sa classe ?
Dès la deuxième journée, les enfants testent. Il faut avoir des niveaux d’exigences différents. En septembre-octobre, il faut se montrer très exigeant car les enfants peuvent prendre la parole sans la demander, ne pas s’écouter etc. En ce qui me concerne, j’essaie de ne rien laisser passer. Mais si on propose une journée de classe bien rythmée, en alternant des séances longues avec des séances plus courtes et en variant les méthodes, ça joue beaucoup sur l’ambiance de classe. Par exemple, il m’arrive de proposer à mes élèves de CP de s’asseoir par terre, dans le hall, pour travailler la numération, plutôt que de rester assis en classe. Tout ceci bien sûr ne s’improvise pas. Petit à petit, on prépare les enfants à travailler différemment, à investir d’autres espaces, d’autres formes de travail. Nous avons une chance à l’école primaire, c’est de pouvoir s’adapter. Si nos élèves semblent endormis ou dissipés, on peut proposer une chanson en anglais, ou une séance d’activités physiques quotidiennes (APQ). Parfois, les jeunes enseignants ont peur de voir les enfants bouger mais s’il y a un peu de bruit quand on fait arts plastiques ce n’est pas grave. Par contre, on sera beaucoup plus exigeant pour une séance de grammaire. Il s’agit d’ajuster ses attentes et ses exigences.
Quels conseils pour gérer une classe à plusieurs niveaux ?
Là aussi, il faut tout verbaliser et cadrer. Par exemple, une fois la consigne expliquée et vérifiée pour un niveau de classe, il est nécessaire de préciser aux enfants que pendant un certain temps, ils vont devoir travailler seuls. Évidemment, celles et ceux qui sont en difficulté peuvent nous solliciter. Petit à petit, ça se met en place. Mais quand je fais classe avec les CP, je ne suis pas toujours à côté d’eux. Je leur parle en étant du côté des CE1. Ils sentent ma présence, et ça me permet de regarder ce qu’ils font, de débloquer un enfant, de l’encourager…
Comment résoudre un conflit entre élèves ?
Il y a toujours des conflits en début d’année. La manière dont on les règle va influer sur ce qui va se passer le reste de l’année. Les conflits entre enfants ont des visages différents. Parfois, il s’agit d’une simple dispute qui peut se régler par un rapide temps d’échange et d’écoute. D’autres, plus lourds, seront à traiter en écoutant les uns et les autres. L’idée, c’est d’arriver à une ouverture de la situation, en faisant trouver des solutions pour que le problème rencontré ne survienne plus. Ici, le rôle des enfants jouant le médiateur peut être intéressant.
A contrario, si on ne règle pas un problème plus grave, on perd la confiance des élèves. Là il faut être plus ferme. Dans certains cas, je préfère faire un bilan avec les élèves : il s’est passé ceci, qu’en pensez-vous ? Que peut-on faire ? Un bilan avec les enfants une fois par semaine ou toutes les deux semaines pendant 15 mn, c’est très efficace. On peut leur demander quels sont les problèmes rencontrés, quels sont les points positifs, et s’ils ont des propositions ou des questions… L’idée, c’est de prendre en compte la parole des enfants, et de valoriser quand tout se passe bien, de renvoyer une image positive du climat de classe. Ceci modifie l’ambiance de classe et la relation professeur-élèves.
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